La Semaine sanglante.

Communeux-fusillés-N&B

L’écrasement de la Commune, qu’on appelle la Semaine sanglante, s’est déroulé tout au long de la dernière semaine de mai 1871, du 21 au 28. Ce sera le sujet de la quatrième et dernière page de cette série anniversaire.

Jusqu’aux élections de la Commune le 26 mars, la guerre civile n’a pas commencé, il n’y a guère que des escarmouches entre Versailles et Paris. Mais, le 30 mars, les soldats de la Garde nationale “fédérée” (c’est à dire favorable à la Commune) sont chassés du rond-point de Courbevoie. Le 2 et le 3 avril, ils tentent vainement de prendre l’offensive et de marcher sur Versailles. Leurs chefs, Flourens et Duval sont exécutés par les versaillais. À ces exécutions de prisonniers contraire aux usages de la guerre, la Commune répond par le “décret des otages”, qui ne sera pas appliqué. Du 11 avril au 21 mai, la lutte se poursuit autour de Paris. Après une trêve qui permet aux habitants de quitter Neuilly en ruines, les versaillais reprennent leurs attaques. Le 1er mai l’armée versaillaise commence le bombardement systématique de Paris. 

Paris n’a pas plus de 40 000 combattants, auxquels il faut ajouter des femmes et des adolescents. Thiers a, avec le concours de Bismarck, reformé son armée forte de presque 200 000 hommes (63 500 soldats renforcés par 130 000 prisonniers libérés par l’Allemagne). 

La Semaine sanglante, dirigée par le maréchal comte Patrice de Mac Mahon commence le dimanche 21 mai, jour où les troupes gouvernementales entrent dans Paris par la porte de Saint- Cloud. Les troupes de Mac Mahon progressent pour “délivrer Paris de sa tourbe de partageux”. Les soldats de première ligne sont chargés de faire le coup de feu contre les communards, les soldats de deuxième ligne sont chargés de traquer ceux qui ne se rendent pas. Ils perquisitionnent dans les maisons, les parcs, les catacombes et même les hôpitaux où ils exécutent les blessés des combats. Des partisans du gouvernement de Versailles munis d’un brassard, qui connaissent bien leurs quartiers, les guident. L’armée versaillaise fait appel à ces mouchards pour débusquer les sympathisants de la Commune ; la reconquête militaire s’accompagne d’une purge politique de tous les opposants au régime de Thiers et sa majorité royaliste. Pendant cette semaine, les combattants de la Commune luttent quartier par quartier, maison par maison, barricade par barricade. Les versaillais fusillent tous ceux qu’ils prennent les armes à la main.

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Les premières exécutions massives ont lieu à la caserne de la rue de Babylone. Des "cours prévôtales" pour donner un semblant de légalité aux exécutions sommaires, sont installées à l'École polytechnique, à la gare du Nord, à la gare de l'Est, au Châtelet et au jardin du Luxembourg. Les pelotons d'exécution fonctionnent par "fournées", square Montholon, au parc Monceau, à l'École militaire, au cimetière Montparnasse et à la caserne Lobau. Devant le nombre de prisonniers à fusiller, et pour aller plus vite, les versaillais emploient des mitrailleuses ! 

Le sinistre général Gaston de Galliffet, connu pour sa férocité envers les insurgés gagne le surnom du “massacreur de la Commune". Regardant passer les prisonniers communards se dirigeant sur Versailles, la badine à la main, il sélectionne ses victimes sur leur mine et il les fait mitrailler par dizaines. 

Aux massacres des Parisiens par les troupes du gouvernement de Versailles, une foule ivre de colère répond en exécutant cinquante-deux otages, dont l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy. Le 26 mai, les exécutions sommaires par les versaillais se multiplient à mesure qu’ils avancent dans Paris. Le 27 mai, c’est le massacre des fédérés au cimetière du Père-Lachaise. Le 28, Gambon, Ferré, Varlin, se battent encore dans les quartiers populaires du Faubourg-du-Temple et du boulevard de Belleville. À une heure, la dernière barricade tombe. Les jours suivants, les cours martiales continuent à condamner à mort. Il suffit qu’une femme soit pauvre et mal vêtue pour être exécutée comme “pétroleuse”. 

Les versaillais qui ont abondamment bombardé Paris, parfois avec des projectiles incendiaires, ont attribué la totalité des incendies aux communards (les fameuses “pétroleuses”). Mais les bombardements de l’armée de Thiers (s’ajoutant à ceux des Prussiens lors du premier siège), avaient déjà détruit partiellement les quartiers de l’Ouest et de nombreux immeubles de la ville (les nombreuses photographies d’époque visibles sur le web montrent ces destructions). Enfin, les incendies de certains monuments allumés par les communards l’ont été au cours des combats pour protéger leur retraite et devraient être assimilés à des actes militaires. Et si les communards mettent le feu à la Préfecture de police et à une partie du Palais de justice, les pompiers de la Commune éteignent l’incendie du ministère des Finances allumé par des obus versaillais, ils prennent des mesures pour sauvegarder la Sainte-Chapelle et Notre-Dame, et les collections des musées.

L’armée versaillaise perd 877 hommes depuis le début d’avril. Mais le bilan est bien plus sinistre si on tente de faire le compte des communeux massacrés au cours des combats ou sur l’ordre des cours martiales. 
En 1876, le journaliste Prosper-Olivier Lissagaray, ancien communard, rapporte que le conseil municipal de la ville de Paris a payé l'inhumation de 17 000 cadavres à la fin de la Semaine sanglante. Jacques Rougerie ainsi qu’Henri Guillemin estiment que ce nombre peut être doublé. En prenant en compte les tués hors de Paris, Lissagaray estime à 20 000 le nombre des exécutions sommaires et des fusillés, plus 3 000 fédérés tués ou blessés au combat. Dans son livre “La semaine de mai” (1880), Camille Pelletan évalue le nombre des morts de la Semaine sanglante à 30 000. 

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Le fait de ne pas connaître le nombre de morts, à dix mille près est, à lui seul, une mesure de la violence de l’événement, commente Michèle Audin sur son blog consacré à l’histoire de la Commune. Le même auteur a tenté récemment une approche méthodique au moyen des sources disponibles et des témoignages crédibles dans son livre “La Semaine sanglante”. Au vu des archives inédites qu'elle a consultées, des inhumations faites au-delà du 30 mai (à la différence de ses prédécesseurs), des registres des cimetières avec des dissimulations, voire des falsifications.... Dans la presse, elle relève des mentions de corps jetés dans la Seine qu'il sera impossible de comptabiliser, et d'exhumations partout dans Paris, des ossements identifiés comme ceux de fédérés, des ossuaires complets même, qui seront découverts à l'occasion de chantiers, jusqu'en 1920 ! En conclusion, elle considère qu’on ne peut avancer un chiffre inférieur à 15 000 victimes, ce qui met un terme aux tentatives révisionnistes. 

Les chefs militaires versaillais avouent ne pas connaître les chiffres. Lors de l’enquête parlementaire sur l’insurrection, la maréchal Mac Mahon (qui a dirigé l’opération militaire), déclare ne pas savoir le nombre de tués, puis admet celui de 17 000 ...”Puisqu’il vient du général Appert”, lui annonce le député Vacherot : “Oh alors, c’est différent”, conclut Mac Mahon. 

La troisième République commence par un massacre. Cette répression, pire que celles des régimes précédents est-elle digne d’une République ? 

> Illustrations de haut en bas. Exécution de communards (Alphonse Leroy). Dessin d’Honoré Daumier. Retour des Parisiens dans la capitale (anonyme). Cliquer sur les images pour les agrandir.

> Extrait de La Commune et les communards du Cher. 280 pages. L’Alandier. En vente dans les bonnes librairies du Cher. Prix 18,50 euros. 
> Lire dans gilblog : 
18 mars, anniversaire du soulèvement de la Commune. >>> Lien.

Les premiers jours de la Commune, mars 1871. >>> Lien.
La Commune de Paris et ses décrets précurseurs. >>> Lien.

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