Boues. Verrons nous le Préfet du Cher au Tribunal administratif ?

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L'Association de veille environnementale du Cher (Avec), une des huit associations du Collectif de lutte contre l'épandage des boues du Siaap d'Achères, a déposé un nouveau recours le 11 août dernier, devant le tribunal administratif d'Orléans. Ce nouveau recours en annulation vise l'arrêté préfectoral du 11 juin 2010 qui modifie l'arrêté du 6 février 2009 autorisant le Siaap (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne) à épandre dans le Cher les boues-déchets de la station d'épuration d'Achères. Résumé des derniers chapitres du feuilleton, genre c'est la rentrée, il est temps de réviser et d'éclairer un peu nos lanternes...

> Le premier recours suspensif des associations anti boues n'a pas été retenu par le Tribunal administratif d'Orléans pour une raison de forme (mais le Tribunal doit statuer sur le fond du dossier avant la fin de 2010). C'est lors de cette première session du tribunal (le 24 mars 2010) que l'on a enregistré une première reculade improvisée par l'avocat du Siaap : devant l'énoncé des multiples erreurs, illégalités et anomalies de l'arrêté préfectoral, celui ci annonçait la suspension du plan d'épandage pour 2010 ! La Préfecture n'avait pas daigné être présente à cette séance, mais peut-être verrons nous le Préfet la prochaine fois ?

Nouvel épisode et nouveau recul : le 11 juin 2010 la Préfecture admet implicitement le bien fondé des recours et des arguments du Collectif de lutte contre l'épandage des boues du Siaap, en publiant un nouvel arrêté (n°2010-1-935 du 11 juin 2010 modifiant l’arrêté n°2009 du 6 février 2009). Elle espère en tirer un bénéfice tactique en retirant  par ce texte des arguments aux associations lors de l'examen du dossier sur le fond.

En voici des extraits (résumés) parmi les plus savoureux....

"Considérant que les références cadastrales de certaines parcelles ont été modifiées ou bien sont erronées et nécessitent d’être mises à jour, sans que cela ait été de nature à modifier le fond de l’arrêté.... Considérant que, depuis le 6 février 2009, un certain nombre d’exploitants agricoles, qui avaient initialement donné leur accord pour l’épandage, ont manifesté leur intention de ne pas recevoir de boues et composts de boues issus de la station d’épuration d’Achères sur leurs parcelles.... Considérant que, depuis le 6 février 2009, le SIAAP a procédé à un travail de vérification de terrain et d’analyse cartographique qui lui a permis de contrôler et d’actualiser l’ensemble des surfaces et des contours géographiques des parcelles du périmètre d’épandage, conduisant à la correction des références cadastrales erronées et à l’actualisation de leurs contours au regard du registre parcellaire graphique, validé par l’administration"...."Le tonnage annuel (boues et compost) valorisé dans le Département du CHER dans le cadre du plan d’épandage est limité à 8.800 tonnes du produit brut. La superficie totale du plan d’épandage est de 3.429,63ha, répartis sur 17 communes. Sur cette superficie, seuls 3.161,80ha sont aptes à recevoir des boues et composts de boue ci-dessus définis. Certaines parcelles sont exclues provisoirement du périmètre d’épandage en attendant l’élaboration des périmètres de protection de captages d’alimentation en eau potable." ...etc.


> Pour Maître Benjamin, avocat du collectif : "Ce nouvel arrêté préfectoral est illégal puisqu’il modifie profondément l’arrêté initial, mais il n'a pas été soumis à de quelconques mesures préalables de publicité et de concertation. Notamment, il ne respecte pas la circulaire du 18 avril 2005 relative à l’épandage des boues de stations d’épuration urbaines et les recommandations relatives aux contrôles du respect de la réglementation pour les services de police de l’eau et à l’information du public. 

Il contient encore de nombreuses erreurs substantielles.

Il procède d’études d’incidences et préalables insuffisantes pour les communes concernées et méconnaît en conséquence le principe de précaution. 

Il ne respecte pas l’arrêté interministériel du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles qui prévoit  une étude préalable et une justification de l’accord des utilisateurs de boues pour la mise à disposition de leurs parcelles et une liste de celles-ci selon leurs références cadastrales.

Les études du SIAAP ont été réalisées sur pièces (cartes IGN, cadastre… périmés, etc.), sans aucune considération pour le contexte local (cours d’eau temporaires, etc.)".


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> Ainsi, le nouvel arrêté préfectoral constitue un revirement qui confirme de façon éclatante les très nombreuses et graves erreurs contenues dans l’arrêté initial et dénoncées par les associations, (comptabilisation de parcelles inexistantes dans les relevés cadastraux des communes concernées, surévaluation par le SIAAP de la surface des parcelles existantes et donc de la surface épandable, absence de prise en compte de contraintes environnementales locales, définition comme surfaces épandables de terrains construits, d'étangs....).

C'est une première conclusion : en modifiant profondément le projet d'épandage, l’arrêté modificatif du 11 juin donne raison au Collectif d'associations antiboues.

Dix sept communes seulement (au lieu de vingt-quatre) sont concernées par le projet (sur les vingt-cinq pressenties). 

Le tonnage annuel autorisé est limité à huit mille huit cent tonnes (et non quatorze mille), soit une baisse de 37,14%.

La superficie totale du plan d’épandage est ramenée à 3.429 hectares (et non 5.154), soit une baisse de 33,47%.

....De nombreux berrichons attendent de connaître la date de la séance du Tribunal administratif d'Orléans avec une certaine impatience.


> Autre conclusion. On ne peut que s'interroger devant l'obstination de certains cadres préfectoraux et une forme d'arrogance qui consiste à déclarer aux associations de citoyens, "non, nous ne retirerons pas l'arrêté, mais vous pouvez aller en justice..."  La Préfète aurait pu éviter tout ce temps et cet argent perdus en actions, réunions, recours dossiers et mémoires, en se rangeant avec sagesse à l'avis du Commissaire enquêteur. La démocratie et la confiance dans l'État n'auront rien gagné à l'affaire du projet d'épandage des boues d'Achères dans notre département, bien au contraire.


> Enfin, quelle que soit la décision du Tribunal administratif, les habitants du Cher savent maintenant que le dossier de la Préfecture était mauvais. Mais la bataille juridique ne doit pas cacher le fond du problème : l'épandage des boues de la station d'épuration du Siaap d'Achères constitue un risque potentiel pour les eaux, pour la santé et pour l'environnement. Il faut rappeler que l’accumulation pendant des années et des années  des métaux lourds et autres polluants non dégradables contenus dans les boues “fertifond” détériorerait les sols et les eaux. Citons notamment les PCB (Polychlorobiphényls), les HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques), qui sont des polluants organiques persistants. Ces boues sont très chargées en métaux lourds (cadmium, cuivre, zinc, nickel, plomb, mercure, arsenic), en produits chimiques, et aussi en autres produits qui ne sont pas recherchés dans les analyses (par exemple antibiotiques, oestrogènes). Et les instances européennes n'ont pas fini d'établir la liste...


> Notez la date du samedi 2 octobre sur votre agenda (ou votre calendrier des postes), le Collectif de lutte contre l'épandage des boues du Siaap d'Achères organise une journée instructive, musicale et récréative à Méry ès Bois. Ça promet d'être intéressant. Et je viendrai pour faire des photos....


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