À Méry ès Bois, l’épandage des boues fait un flop !

Berry-La_Borne-Michel_Desir_5

Michel Desir, Maire de Méry-ès-Bois, vient de présider une réunion de concertation entre le Conseil municipal et les agriculteurs de la commune, le 12 février à Méry ès Bois. Le débat a souligné l’existence de risques écologiques sérieux, de mévente des produits agricoles, et de risque juridiques. Voici le texte intégral du document.

LE DOCUMENT INTÉGRAL.

Concertation du 12 Février 2009 : réunion du Conseil Municipal de Méry-ès-Bois avec les agriculteurs concernés par l’épandage des boues du SIAAP.  

Autorisation de la Préfecture pour le recyclage en agriculture des boues issues de la station d’épuration de Seine-Aval (Achères 78) sur le département du Cher, suite a la demande du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP), dont  le siège est à Fromainville (78)

1/ LE SIAAP.

Ce syndicat intercommunal a pour mission d’épurer les eaux produites par 8,5 millions d’habitants (et entreprises de la région parisienne) sur 2000 km², représentant  850 millions de m3 par an, traités par 4 usines d’épuration :

Seine-Aval à Achères (78) - Seine-Amont à Valenton (94) - Marne-Aval à Noisy-le-grand (93) - Seine-Centre à Colombes (92).

Ce qui représente 140 000 tonnes de boue par an, sur un plan d’épandage potentiel de 60 000 ha de terre, en 11 départements, dont 7000 ha sont généralement utilisés par an sur 200 exploitations agricoles.

Cette production annuelle étant supérieure à 800 tonnes par an, la « loi sur l’eau » intégrée au Code de l’environnement, soumet les opérations d’épandage à une “autorisation avec enquête publique”.

Le site d’Achères (78) est organisé de façon à traiter les boues par lots hebdomadaires de 3500 tonnes, avec une analyse par lot, soit 52 analyses par an (minimum imposé 24 par an et par site).

Sur le Cher, le plan d’épandage (de 14 000 tonnes de produit brut) porte sur 5155 ha, dont 142 ha sont interdits et 736 ha exclus provisoirement. Restent 5013 ha autorisés, donc 4277 ha provisoirement, soit 1 % de la surface agricole utile du Département, concernant 25 agriculteurs. Son transport sera effectué par camions.

Sur Méry-ès-bois, la surface épandable est de 710 ha. C’est  la seconde commune en importance de surface épandable, derrière Oizon (1089 ha). 

Les boues “Fertifond P”, à 50 % de matière sèche/humide, sont portées à une température de 195°C pendant 1 heure, sous 20 bars de pression. Elles ont un angle de talus naturel supérieur à 30% en tas.  La dose d’épandage conseillée (limitée par le phosphore) est de 10 à 12 tonnes par hectare tous les 3 à 4 ans sur 10 ans. Les valeurs limites des composants sont fixées par l’arrêté du 8 Janvier 1998.  Dans les résultats d’analyses, il faudra vérifier avec intérêt le taux de la somme des 7 PCB qui est en moyenne de 71% par rapport à la valeur limite maximale, avec un « pic » de 2,1 (pour 0,8 maxi autorisé) en Décembre 2005. A vérifier également l’accumulation « chrome+cuivre+nickel+zinc » qui est à 64% de moyenne par rapport au maxi autorisé (avec un pic de 75%, toujours dans l’année 2005) Les analyses des micro-organismes pathogènes semblent réglementaires dans des % acceptables par rapport au maxi autorisé (salmonelles, entérovirus, etc..)  

Le compost, matière sèche à 60% (50% pour les boues), réglementé également par l’arrêté du 8 Janvier 98, 13 tonnes conseillées à l’épandage par hectare tous les 3 à 4 ans sur 10 ans, avec même exigence de traçabilité. Les analyses effectuées sont au pire identiques aux boues, mais les taux sont plus réguliers, le compost ne pouvant être réalisé qu’avec des boues déjà conformes. 


2/ INSTRUCTION  ADMINISTRATIVE…

2.1) Une enquête publique a été prescrite par Mr le Préfet du Cher le 14 Septembre 2007, sur 25 communes, du 4 au 26 Octobre 2007, avec des permanences dans 14 mairies, conclue par un avis défavorable émis sur procès-verbal au 2 Novembre 2007, sur lequel il est stipulé :

La population locale s’y oppose (vote négatif de 22 Conseils Municipaux sur 25). Transport supérieur à 200 kms : non conforme aux recommandations du Grenelle de l’environnement. Non prise en compte des eaux de ruissellement et d’infiltration (rivières et ruisseaux classés en 1ere catégorie). Épandage en zone vulnérable de Sologne. Pas de concertation préalable avec les services de l’état (rapport DDEA seulement en Novembre 2008), ni avec les élus. Procès-verbaux d’analyses datant de Mai à Septembre 2005 pour une étude en 2007.

2.2) Avis des services consultés :

Le Directeur Départemental des Affaires sanitaires et sociales a émis un avis favorable ,avec réserve.

L’Office National de l’eau et des milieux aquatiques : a émis un avis réservé.

La direction régionale de l’environnement émet un avis favorable.

Le Préfet de la région centre, coordonnateur du bassin Loire-Bretagne, ne fait que des remarques, sans avis définitif, avec une demande de surveillance particulière sur les quantités d’azote libérées dans les 5 ans.

Le Conseil de Surveillance Départemental des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) a voté un  avis favorable.

Le  SIAAP a répondu le 19 Novembre 2007 :

Seules  les boues dont les teneurs sont inférieures à la réglementation seront épandues. 

52 contrôles par an seront effectués au lieu des 24 imposés, par des laboratoires  extérieurs indépendants.

Chaque dépôt sur site fera l’objet d’un pancartage de traçabilité, entreposage non visible des habitations (sans distance minimale), enfouissement réalisé dans le même jour que l’épandage, et ce dans les meilleurs délais, en évitant les week-ends et les jours fériés. 

Livraison par 10 camions maximum par jour / par département.

Le principe de précaution n’est pas applicable sur des connaissances acquises depuis plus de trente ans

Face au risque de pollution des eaux : respect des périmètres de protection des captages, épandage pendant les périodes de déficit hydrique, et une distance de 35 mètres devra être respectée vis-à-vis des cours et points d’eau (100 mètres si le terrain à une pente supérieure à 7%). Les orientations du SAGE seront prises en compte.

Analyse préalable des sols (les sols du Cher ont reçu 191 000 tonnes d’engrais en 2004/2005)

Valorisation agricole sur les principes de la fertilisation raisonnée en grandes cultures (colza, blé et maïs). Il est reconnu des risques de solubilisation du phosphore dans les sols sableux.

Mise en place de parcelles d’essai avec bande témoin vierge sur 3 ans.

Analyses générales et bilan tous les 7 ans 

Pas de concurrence aux boues locales.

Avant chaque opération, un programme prévisionnel sera établi en concertation avec les agriculteurs, sous contrôle des services de l’Etat.

3/ ARRÊTÉ DE LA PRÉFECTURE DU CHER.

La Préfecture du Cher autorise le SIAAP à épandre les boues issues de la station d’épuration de Seine-Aval  (sise Achères 78) sur le Département du Cher par Arrêté N° 2009.1.326 du 6 Février 2009, le projet étant conforme aux dispositions du Code de l’environnement, du décret du 8 Décembre 1997, et de l’arrêté du 8 Janvier 1998. En complément aux engagements du SIAAP ci-dessus énumérés, la Préfecture demande :

Que les résultats des analyses soient portés, tous les 3 mois, à la connaissance de la “Police de l’eau”, du public, des élus et des associations. Que les dépôts provisoires soient à 3 mètres minimum des routes et des fossés. Que l’utilisation soit interdite  sur pâturages, herbages, cultures fourragères, zones inondables, sur les sols dont le pH est inférieur à 5 (si entre 5 et 5,5 l’épandage doit être précédé d’un chaulage de 0,5 pH), et sous pluie importante. Que les doses de matière sèche apportées ne soient en aucun cas supérieures à 30 tonnes par hectare sur une période de 10 ans. Qu’un suivi agronomique, avec bilan de synthèse, obligatoire tous les ans, (avec expérimentation spécifique sur les sols de Sologne) soit communiqué aux agriculteurs, aux élus, à la Chambre d’Agriculture, à la Police de l’Eau, et présenté au CODERST tous les 2 ans. Que les registres de traçabilité soient conservés 10 ans. L’autorisation d’épandage au SIAAP est accordée pour 8 ans

4/ CONSTATATIONS ACTUELLES.

Constatations écologiques : 

Risque important de pollution des sols, non contrôlable dans le temps. A ce jour, il n’y a pas de certitude scientifique sur l’influence de l’accumulation des métaux lourds.

En raison de la nature sableuse du territoire de Sologne et de ses environs, l’excès de phosphore et de soufre aboutira tôt ou tard dans les eaux de surface.

Le transport, par 1 à 10 camions par jour, à plus de 200 kms du site de production, est totalement contraire aux recommandations émises lors du « Grenelle de l’environnement »

Constatations économiques :

L’incertitude scientifique sur les risques polluants peut affecter la pérennité de la filière de l’épandage. Si demain, on découvre un nouveau composé organique en traces dans les boues, la filière sera immédiatement arrêtée, et toutes cultures dans les terres incriminées seront interdites (actuellement sur 10 ans : l’entreprise agricole ne pourra pas y survivre).  En 1999, la Préfecture du Val d’Oise a pris un arrêté en urgence portant sur l’interdiction de mise sur le marché des cultures légumières cultivées sur 6 communes du Département.

A ce jour, certaines centrales d’achats céréalières refusent l’utilisation de boues chez leurs fournisseurs.

Cette incertitude de pérennité du système est renforcée par une décision imminente de la Commission Européenne, de sanctionner la France par une amende de 400 millions d’Euros pour non-conformité des stations d’épuration (celle d’Achères nécessiterait 800 millions d’Euros de travaux pour sa mise aux Normes avant 2010 : délai déjà impossible à tenir…).

Constatations juridiques :

La responsabilité de chacun des partenaires n’est pas clairement identifiée :

Sur l’autorisation de dépôt par l’exploitant sans l’accord du propriétaire (en totale contradiction avec le droit de propriété) 

La remise en état des terres, n’est pas correctement définie dans l’arrêté Préfectoral (exploitant ou à défaut le propriétaire de l’installation concernée).

Constatations économiques et  touristiques :

Dégradation de l’image du terroir qui aura forcément des répercussions financières sur l’évaluation qualitative des produits dans un premier temps, et à terme sur la valeur foncière des terres, avec une possible mise en question des critères des AOC. 

5/ CONCLUSION.

Cette liste de constatations, loin d’être exhaustive notamment en matière écologique, fait apparaître une prise importante de risques incontrôlables :

Risques économiques pour les agriculteurs, sans commune mesure avec le faible gain réalisé par la gratuité de la fourniture.

Risques de Santé Publique qu’aucun élu responsable ne peut accepter, ni tolérer.

En conséquence, d’un commun accord des élus et des agriculteurs concernés, présents en notre réunion de concertation de ce Jeudi 12 Février 2009, l’épandage des boues issues de la station d’épuration de  Seine-Aval (Achères 78) n’est pas acceptable sur le territoire de notre commune de Méry-ès-bois.