Et si on redécouvrait Raymonde Vincent ?

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Le 8 mars, journée des droits des femmes, est en passe de devenir une journée de récupération commerciale, médiatique, politicienne de la cause des femmes. Tout de même il y a tellement de femmes d'exception qu'il s'en trouve toujours une à célèbrer, mais les médias passent vite à autre chose et la routine s'installe de nouveau. Les femmes, c'est fini jusqu'à l'an prochain. Mais cette fois gilblog ne fait pas tout à fait comme tout le monde, puisque cette femme là, qui n'est pas récupérable du tout, vous accompagnera toute l'année, et même bien plus longtemps. Et en plus, elle est berrichonne ! En effet Raymonde Vincent est une auteure aujourd'hui un peu méconnue dont la lecture vous fera du bien et dont les romans, par leur sincérité et leur profondeur, par l'originalité de leur écriture, deviendront des amis (c'est tout le mal que je vous souhaite).

Originaire du Berry, Raymonde Vincent est née en 1908 près de Châteauroux, dans une famille de cultivateurs. Elle n'a que quatre ans quand sa mère meurt, et c'est elle qui tient la maison de son père, modeste métayer. Elle apprend à lire seule en ânonnant son catéchisme et le journal local, ce sera toute son instruction. En 1921, à l'âge de treize ans, elle commence à travailler aux "100 000 Chemises" à Châteauroux, mais elle se montre réfractaire à cet univers. "Il y avait quelque chose en moi à quoi il ne fallait pas toucher : la liberté, sûrement."
À dix-sept ans (en 1925), rêvant d'une vie meilleure, elle part pour Paris où elle occupe divers emplois et vit un quotidien hasardeux. Comme on dit de nos jours, elle galère. Puis elle pose pour les peintres à Montparnasse (elle pose pour Giacometti et Pascin) et s'ouvre peu à peu à un monde nouveau pour elle. Raymonde Vincent rattrape en quelques années le retard de ses études et s'intéresse à la peinture, à la musique et au théâtre. Elle rencontre Albert Béguin (1901-1957), universitaire, critique et traducteur renommé, qu'elle épousera en 1929. Avec lui, elle fréquente Aragon, Bernanos, André Lhote, Pierre Emanuel et Giraudoux. 

En 1937, elle publie son œuvre la plus marquante "Campagne" pour laquelle le Prix Femina lui est décerné la même année (...vingt sept ans après Marguerite Audoux autre écrivaine originaire du Berry). Ensuite, elle ne cessera pas d'écrire, romans, poésie, articles pour la presse. Avec Beguin, elle vit une relation difficile, va de France en Allemagne et en Suisse, et participe à la Résistance. Après la mort de son mari en 1957, elle revient en Berry puis s’installe à Saint Chartier où elle s'éteint en 1985. Elle est enterrée à Saint-Lactencin auprès de sa mère.

C’est la nostalgie de son passé et de son enfance paysanne qui lui inspirent son roman le plus connu : "Campagne". Mais attention, Raymonde Vincent n'est pas un écrivain régionaliste, ce serait réducteur pour celle qui est un des vrais talents littéraires du vingtième siècle. Certes, on retrouve au fil de ses livres les thèmes de la vie rurale, la dureté du travail, la pauvreté, la douceur et la beauté de la nature, mais aussi la chaleur réconfortante de l'amitié fidèle, la volonté de trouver et de suivre sa voie, la libération du joug des conventions. "Chez moi la curiosité l'emportait toujours sur la prudence" écrit-elle.
Dans son œuvre Raymonde Vincent s'affirme comme femme libre, non pour suivre les modes, mais pour devenir elle même dans une conduite solitaire, obstinée et courageuse, sans doute aidée par sa foi. Après "Campagne", la lecture de "Le temps d'apprendre à vivre" témoigne de cette pugnacité. Ajoutons que le titre du livre excellent que Rolland Hénault vient de lui consacrer, "Raymonde Vincent, chrétienne et libertaire", dit bien le caractère trempé de Raymonde Vincent. 

Raymonde Vincent, une femme et un écrivain à découvrir ou à relire.


> Œuvres de Raymonde Vincent

1937 : Campagne (Prix Femina 1937). Réédité par Le livre de poche.

1939 : Blanche. Éditions Stock.

1943 : Elisabeth. Éditions Stock.

1945 : Seigneur retirez moi d'entre les morts. Éditions Egloff.

1950 : Les noces du matin. Éditions Le Seuil.

1962 : La couronne des innocents. Éditions Le Seuil.

1977 : Les Terres heureuses. Éditions Julliard.

1982 : Le Temps d'apprendre à vivre (autobiographie) Éditions de La bouinotte. 400 pages. 18 euros.

1991 : Hélène. Collection “Voyage immobile” Éditions Christian Pirot. Édition posthume.

Ne manquez pas la lecture de “Raymonde Vincent, Chrétienne et libertaire” par Roland Hénault - Éditions de La Bouinotte. 190 pages. 16 euros.

Outre ses romans Raymonde Vincent a écrit un grand nombre de poésies et d’articles pour la presse.

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