Qui devrait dépasser ses limites ?

Le-Berry-myope

Dans un article du Berry du 29 juin dernier on pouvait lire le compte rendu d'une récente réunion du Syndicat de Pays Sancerre Sologne sous le titre "La Borne devra dépasser ses limites". Titre bizarre : la Borne faisant partie des communes d'Henrichemont et de Morogues, on ne voit pas ce que les limites viennent faire là dedans. À moins de vouloir les déplacer ? À moins que ce titre signifie ironiquement que les habitants de La Borne sont "limités" ? En tous cas, l'article soulève de nombreuses questions. Et puis, est-ce qu'il reflète ce qui s'est dit lors de la réunion du Syndicat de Pays, ou la journaliste n'a-t-elle pas bien compris ?

"Développer le tourisme et les activités économiques en y associant l'ensemble des acteurs" était le thème de la réunion qui examinait un rapport de la société Planeth sur le sujet. On peut donc regretter qu'aucun représentant de l'association des céramistes, ni aucun céramiste, n'était invité à y prendre la parole. Dommage.

Pour commencer, il faut louer les efforts conjoints des associations de la Borne, des sites d'intérêt céramique et de quelques élus locaux pour conjuguer leurs modestes moyens et faire mieux connaître les créations des céramistes bornois. C'est par exemple le cas avec la préparation des Journées du Patrimoine des 14 et 15 septembre 2013 où les associations et la Communauté de communes joignent leurs efforts pour offrir un programme riche et varié aux visiteurs. Que ce soit au Centre céramique, à la Cathédrale Linard, au musée Ivanoff ou au musée de la poterie, chaque site prépare des activités : expositions, spectacles, démonstrations, visite guidée ou balisée de la Borne, conférences, de nombreux ateliers de céramique montreront leurs production ...etc. C'est ainsi que l'association du musée Ivanoff présente une exposition d'oeuvres de Jean Lerat (pour la première fois à La Borne), que l'association de la "Cathédrale" Linard multiplie les expositions et les animations, que le Centre céramique présente les travaux de Denise Millet et de Christine Limosino ainsi qu'une conférence de Patrick McCoy "La Borne, renaissance". Ainsi, les associations de La Borne et des alentours manifestent leur dynamisme une fois encore. Et, comme chacun l'imagine, elles ont saisi l'occasion des Journées du Patrimoine pour en faire la démonstration.

Cependant, la dimension artistique exceptionnelle de La Borne est absente de l'article du Berry. C'est pourtant à cause du choc artistique provoqué par les céramistes des années quarante et à la créativité des céramistes d'aujourd'hui que le rayonnement de La Borne dépasse largement nos frontières. Mais à lire Le Berry, on pourrait avoir l'impression que l'activité à La Borne est passée de l'artisanat traditionnel à l'artisanat d'art, de façon banale. C'est le signe d'une méconnaissance de la nature et de l'importance du phénomène artistique de la Borne, qui est un foyer de création et de renouveau de la céramique contemporaine en France. 

La Borne est, dit-on, le troisième village le plus visité du Cher après Apremont et Nançay et reçoit cent mille visiteurs par an, selon une estimation de l'Office départemental du tourisme. Mais ça n'est pas parce que de nombreux badauds sympathiques arpentent la route de Sancerre les jours de beau temps qu'il s'agit d'un tourisme culturel, ou utile économiquement parlant.  Attirer de nouveaux visiteurs à La Borne, encore faut-il savoir lesquels. 

"La Borne est connue, c'est vrai, admet Yves Fromion, mais ce n'est pas très populaire. Ce n'est pas Disneyland, même si on ne souhaite pas que ça le devienne. C'est une affaire de spécialistes." rapporte la journaliste du Berry. On peut penser que Monsieur Fromion fait erreur : le grès n'est pas seulement une affaire de spécialistes, car des gens de toutes couches sociales achètent des céramiques. Et ils en achetaient encore plus dans les années soixante à quatre vingt - période où l'on parlait de La Borne dans Elle, Marie-Claire et la presse artistique nationale, et où les créateurs de la Borne étaient présents dans les expositions du Musée des Arts Décoratifs à Paris. Mais depuis cette époque récente des changements socio-économiques se sont produits, la situation économique s'est dégradée entraînant la baisse du pouvoir d'achat, la clientèle est sollicitée par de nouveaux produits.... 

En conséquence, on peut déplorer l'absence d'une étude socio-professionnelle de la clientèle du Centre céramique et des visiteurs du village. Cette évidence semble absente du rapport que la société Planeth a remis au Syndicat de Pays Sancerre Sologne. Quand le Centre céramique se décidera-t-il à recenser ses clients et analyser les résultats ? 

"S'ouvrir davantage est dans l'intérêt des potiers, aurait déclaré Yves Fromion, c'est dans leur intérêt économique s'ils veulent vendre davantage", sujet qu'on pourrait résoudre par une idée simplette du rapport de Planeth : il suffirait d'ouvrir les cuissons au bois comme un spectacle (si la journaliste a bien entendu). La journaliste, ou le rapport ignore que la cuisson est un moment extrêmement  important du travail, et pas un show (est-ce qu'on invite les touristes dans l'atelier du menuisier, ou à la cuisson du pain ?). Mais par contre, à destination du public, il y a des cuissons organisées lors des événements comme "La Borne en feu", "La Borne s'enflamme" ou les nombreuses Rencontres internationales de céramistes, et il s'en prépare d'autres. Et puis, s'ouvrir davantage, n'est ce pas le sens de l'exposition au Château d'eau à Bourges cet été ? Ou un des objectifs de la création du Centre de céramique contemporaine pour lequel les céramistes oeuvraient depuis si longtemps avec opiniâtreté (mais un peu seuls) ? 

Pour développer le tourisme il faut informer les touristes futurs. Or, dans cette réunion, ou dans le fameux rapport commandé à Planeth par le Syndicat de Pays, il semble qu'il n'y a pas eu un mot sur la communication ni sur les moyens à lui accorder pour toucher les publics (et notamment les collectionneurs). Pourtant, un travail élémentaire consisterait à faire connaître les événements artistique de La Borne et sa passionnante histoire par un attaché de presse, aux journaux d'art et journaux de décoration nationaux et à les inviter aux expositions et événements. Ça serait tout de même plus efficace qu'un article ici ou là dans le Berry Républicain !

Enfin, l'article ignore la question de l'accueil, pourtant c'est un sujet qui mérite la réflexion. Le nombre limité de restaurants, l'hôtellerie inexistante (heureusement il y a des chambres d'hôtes et des gîtes), la baignade fermée, n'encouragent pas au séjour. Le Berry n'a-t-il rien entendu dire ce jour là ?

Alors, est-ce La Borne qui doit dépasser ses limites, ou le Berry Républicain qui doit dépasser les siennes ? À moins que les limites soient celles du rapport de la société Planeth ? 


> Lu dans Le Berry républicain du samedi 29 juin 2013.

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