La Borne 1855. Le républicain Jules Auchère victime d’un escroc.

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En fouinant dans les archives et les vieux grimoires on trouve souvent ce que l’on cherche, mais on tombe aussi sur des choses inattendues… C’est en parcourant les pages et les notices web du Dictionnaire Maitron (qui n’a rien d’un vieux grimoire) pour la matière d’un éventuel bouquin, que j’ai lu l’aventure de Jules Auchère, un bornois du dix neuvième siècle…

Né vers 1823, Jules Auchère, dit “Manaud”, travaillait à La Borne (“un hameau de la commune d’Henrichemont où les potiers étaient nombreux, dit la notice historique du dictionnaire Maitron), il était  fabricant de formes. Et il était républicain. 

A partir de 1850 s’étaient constitués un peu partout en France, et notamment dans le Centre, différents groupes républicains clandestins nommés à l’époque “sociétés secrètes” (pour inspirer la peur ?), opposés au coup d’État et à la dictature de Louis-Napoléon Bonaparte. Avec l’absence de liberté de la presse, de liberté de parole, de liberté de réunions, des mouchards un peu partout, toute expression venant de l’opposition tombait sous le coup de la loi et la parole républicaine ne pouvait s’exprimer que sous le manteau. L’appartenance de Jules Auchère à la “société secrète locale” lui valut d’être condamné, en 1852, à la déportation en Algérie, comme avant lui trois autres henrichemontais et de nombreux républicains berrichons. On ne plaisantait pas avec ces choses là à l’époque, c’était la prison, ou le bagne en Algérie et à Cayenne ! 

Au passage, ayons une petite pensée pour les trois autres henrichemontais déportés en Algérie en 1851 qui étaient : Augustin Métivier, ferblantier; Gilbert Fasset, sabotier ; Félix Lacroix menuisier. Le dénommé Cadet, organisateur de la société secrète républicaine avait déjà pris la fuite lorsque sa condamnation fut prononcée..…  

Trois ans plus tard, de retour à La Borne où il retrouva son épouse, Jules Auchère fut victime de l’arnaque mise au point par l’escroc Charles Berger qui se faisait passer pour un ancien déporté politique, et vivait des “secours” collectés parmi les partisans de la République.

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Qui était ce Charles Berger ? Né à Sedan dans les Ardennes, mécanicien dans les chemins de fer, Charles Berger n’avait jamais appartenu à aucune association républicaine clandestine. C’était un faux conspirateur, mais un authentique escroc ! Précédemment condamné pour des vols commis à Épinal et à Mont-de-Marsan, il avait changé de méthode. En 1855, Berger allait de ville en ville, et sa combine était de soutirer des “secours” sonnants et trébuchants en se présentant comme une victime de la répression politique. 

Cette année là, parti de Bordeaux, il se rendit d’abord dans le Cantal à Champagnac, puis de La Souterraine à Châteauroux et Issoudun. Poursuivant son chemin, arrivant à Bourges, il rencontra plusieurs sympathisants républicains dont il avait obtenu les adresses, puis il gagna Vierzon où il bénéficia du produit (15,20 francs) d’une collecte organisée parmi les ouvriers du chemin de fer ! Sur les indications de ces derniers, il rendit visite à d’autres victimes  potentielles. 

En décembre il se trouvait à Henrichemont où Guillaume Pellé, voiturier, lui donna 0,50 francs tout en lui déclarant qu’il ne se mêlait plus de politique. Quant à Félix Lacroix, menuisier,  impressionné par le récit de Berger, il déjeuna avec lui. Interrogé par la suite sur son attitude, il déclara  qu’il ne le connaissait “que de vue"...

Depuis Henrichemont, il n’y avait pas plus loin que de nos jours pour se rendre à La Borne. “Excitant l’intérêt” de deux “rouges” du village, Berger dîna avec eux, mais attira aussi l’attention des gendarmes qui procédèrent à son arrestation en découvrant la nature exacte des activités du pseudo démocrate républicain. On ne sait pas combien il avait tenté d’extorquer à notre Manaud… 

Coïncidence, ou l’escroc moderne avait-il des lettres (?), en 2011, un escroc se faisant appeler  Charles Berger, comme le précédent,  a soutiré plus de trois millions d’euros en échange de copies de statuettes, signées Giacometti et de faux vases Gallé, à une riche héritière, des Alpes-Maritimes. 

En somme, l’escroquerie évolue elle aussi, et franchit les siècles…. 

> Illustrations de haut en bas. Napoléon III caricaturé en vautour. Portrait de Robert Macaire. Gendarme du second empire.

> Si vous êtes descendants dune de ces personnes, si vous avez recueilli des informations et des souvenirs, dites le moi, nous pourrons peut être donner une suite à cette histoire.

> Le Parisien du 7/12/2011. Les faussaires extorquent trois millions d'euros à la riche veuve. >>> Lien. 
> Archives. Départementales du  Cher, 30 U 247 et Dictionnaire biographique Maitron du mouvement ouvrier et mouvement social.
>>> Lien.


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