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Nouvelles de Fukushima (5). Mars 2013.

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Les associations Sortir du nucléaire, Greenpeace, le Mouvement de la Paix (et une trentaine d'associations ou organisations nationales) soutenus par Parti de gauche, le NPA, CAP 21, Europe écologie les verts, ont formé une chaîne humaine à Paris pour l'anniversaire des deux ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima le 9 mars. Un rappel pour l'opinion française, le gouvernement et aussi pour les sociétés concernées par le nucléaire en France. Les manifestants ont "encerclé des lieux de pouvoir" de l'énergie nucléaire, comme l'Assemblée nationale et le Sénat, plusieurs ministères, dont ceux de la Défense et de l'Écologie, l'Autorité de sûreté nucléaire, les sièges d'EDF et d'Areva dans le quartier la Défense, ainsi que BNP Paribas et le Crédit agricole qui financent des projets de centrales. Une centaine de berrichons du Cher étaient montés à Paris dans deux autocars pour rejoindre les deux mille qui encerclaient symboliquement le ministère des finances à Bercy. En tout vingt mille participants se tenant la main ont formé une chaîne d’une quarantaine de kilomètres d’est en ouest de la capitale.

> Manifestation utile et nécessaire, car chez nous, les médias et le lobby pro nucléaire  tentent de faire oublier l'événement et de désinformer les français. C'est ainsi que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a publié le 7 janvier un dossier sur l’énergie nucléaire, destiné au "grand public". Chercheur au CNRS en poste au Japon, Thierry Ribault conteste vigoureusement le contenu de ce document "dénué d’argumentation" qui affirme encore qu'à Tchernobyl les victimes de l’accident étaient moins de cinquante !!! Vous avez dit désinformation ?

Et Thierry Ribault rappelle quelques faits essentiels. Le désastre de Fukushima représente une diffusion de césium 137 dans l’atmosphère cinq cents fois plus importante qu’à Hiroshima. C’est aussi la plus grande émission de gaz rare xénon 133 connue en dehors des essais nucléaires : plus de deux fois les émissions de ce gaz à Tchernobyl. C’est selon TEPCO (l'EdF japonais), une activité de dix millions de becquerels en provenance de la source Fukushima Daiichi relâchés toutes les heures.

Un tiers du département de Fukushima est contaminé à un taux supérieur à trente sept mille becquerels par mètre carré (pour le seul césium 137). Et treize départements qui représentent 8 à 10% du territoire japonais sont contaminés.

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Il reste mille cinq cents trente deux barres de combustible de trois cent kilogrammes et de quatre mètres de long, stockées dans la piscine du réacteur numéro 4, au cinquième étage d’un bâtiment qui menace de s’effondrer à la première secousse. Pour le Professeur Hiroaki Koide, spécialiste des réacteurs à l’université de Kyoto : "Ce serait la fin".

Le désastre de Fukushima, ce sont vingt quatre mille employés ayant travaillé sur les lieux depuis la catastrophe, dont seulement 3,7% peuvent bénéficier d’un examen de détection de cancer proposé par les autorités et TEPCO. 

Une grande partie de la population du secteur pollué y vit toujours, seuls ceux qui habitaient dans un rayon de vingt kilomètres autour de la centrale ont été évacués. Sur les deux millions d’habitants du secteur, cent mille réfugiés se sont déplacés à l’intérieur du département, tandis que soixante trois mille l’ont quitté, et seulement 10% des enfants du département ont été évacués. Un tiers des trois cent mille habitants de la ville de Fukushima affirment vouloir partir, mais ne peuvent pas le faire. Des aides au retour ont été créées par le gouvernement pour inciter les réfugiés à revenir dans des zones pourtant identifiées comme contaminées ! Depuis décembre 2012 la gratuité des logements publics pour les nouveaux réfugiés hors du département a été supprimée, où iront-ils ?

Une enquête sanitaire sur les effets des radiations devrait permettre de collecter, d’ici 2014 et sur trente ans, les données relatives à la santé des habitants du département, (dont trois cent soixante mille enfants), les objectifs de l’équipe en charge étant, notamment, de  "calmer l’inquiétude de la population".

> Pour Pierre Fetet, dans Fukushima Overblog, les autorités japonaises sont dans le déni. Depuis l'élection du nouveau gouvernement en décembre dernier, les autorités japonaises ont choisi le déni du danger nucléaire. On continue à brûler des déchets radioactifs dans tout le pays, on autorise les habitants des zones rouges à passer le nouvel an dans leurs maisons contaminées, on promet de remettre en route les centrales nucléaires arrêtées, les enfants des écoles continuent de porter des dosimètres et de respirer la poussière radioactive invisible. Tout est en place pour une grande catastrophe sanitaire à venir. Les experts de l’OMS annoncent une augmentation du nombre de certains cancers dans la préfecture de Fukushima : 6% pour le cancer du sein, 7% pour la leucémie, et 70% pour le cancer de la thyroïde. Sur les quatre vingt mille enfants examinés pour la thyroïde, 39% présentent des nodules de moins de vingt millimètres et des kystes de moins de cinq millimètres d’épaisseur. 

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Le 31 mars 2011 un porte-parole de Tepco annonçait que la nappe phréatique située à environ quinze mètres au-dessous de la centrale avait une teneur en iode 131 dix mille fois supérieure aux normes autorisées. Depuis, silence persistant de Tepco alors que les fuites d'eau contaminée se multiplient sur le site. Il est évident que ces rejets provoquent une pollution irrémédiable des terres, des nappes phréatiques et de la mer.

> Dans Libération du 26 janvier, Laure Noualhat décrit comment on décape le sol à Fukushima. L’an dernier, l'administration japonaise a consacré 2,7 milliards d’euros à des travaux titanesques pour décaper la nature. "Pour une maison dotée d’un terrain de quatre cents mètres carrés, il faut compter deux semaines de travaux et dix mille euros, dit un fonctionnaire. Après les habitations, il faudra s’atteler aux forêts et aux rivières, ce sera beaucoup plus long !" Après leur récolte, les déchets radioactifs sont stockés dans de gros sacs numérotés empilés un peu partout sur des terrains vagues, des champs ou des cours d’école. Pour supprimer la contamination, on n’a rien trouvé de mieux que… de la déplacer !

Mais cet acharnement semble inutile. Les éléments radioactifs, en se répandant sur les forêts qui couvrent 75% de la zone, ont infiltré la terre ou les cours d’eau qui vont dans les rizières. A la moindre averse, ils réapparaissent, entraînés par le ruissellement. En juin 2012, la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) a effectué des mesures dans des maisons décontaminées : six mois après les travaux, elle a noté des doses annuelles jusqu’à six fois supérieures à la norme de l’OMS.

> Tepco vient d'admettre avoir perdu le 6 février 2013 une partie d’une machine, permettant de charger et décharger le coeur du réacteur numéro 3. Cette machine de chargement de combustible de trente cinq tonnes était tombée dans la piscine de désactivation lors de l’explosion du 14 mars 2011, mais une partie était encore accessible. La pièce qui pèse une tonne et demie ayant sombré complètement, on ignore encore quels dégâts elle a causés. Or la gaine du réacteur est le dernier rempart entre le combustible et l’environnement ! Il faut rappeler, qu'une caractéristique du réacteur numéro 3 et de sa piscine est qu’il est chargé au MOX, un combustible qui contient 7 à 8 % de plutonium. Le plutonium est beaucoup plus radioactif que l’uranium et avant utilisation, les pastilles de MOX sont plusieurs milliers de fois plus radioactives que celles d’uranium.

> Bref, tout ne va pas pour le mieux à Fukushima.....

> Sources : Libération : à Fukushima on retire la terre. >>> Lien.

Le Nouvel Observateur : Fukushima, le Cnrs tait la vérité. >>> Lien.

Reporterre : Nouvel incident à Fukushima. >>> Lien.

Fukushima Overblog : Ne pas banaliser la catastrophe. >>> Lien.

Mission à Fukushima : Dossier de la Criirad à télécharger (PdF). >>> Lien.

> Dans gilblog : Nouvelles de Fukushima (1). >>>Lien.

Nouvelles de Fukushima (2). >>> Lien.

Nouvelles de Fukushima (3). >>> Lien.

Nouvelles de Fukushima (4). >>> Lien.

Et aussi :

Fukushima, le silence des médias. 1er septembre 2011.

Fukushima, France, aveuglement, imprévoyance et tromperie. (23 mai 2011)

À Fukushima trente ans d'accidents et de mensonges. (13 avril 2011)

Et encore : Olivier Cabanel sur AgoraVox: 11 mars 2011 Remember Fukushima.  >>> Lien.