La Borne. Le cochon à Berlaudiot. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Le cochon à Berlaudiot.

Les nouvelles histoires de Berlaudiot.


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Il fait chaud tous les jours cet été à La Charnivolle, la canicule s’est abattue sur le canton depuis des semaines, et ça dure.… À l’heure de la sieste, Berlaudiot est assis à l’ombre du mur de sa maison, il surveille son cochon en somnolant. 

Mais voila ti pas qu’Émile Turpin le boucher (dit rapoilu), passe par-là. 

Qué biau cochon que v’la, Berlaudiot, dit-il l’air admiratif, t’en as ti d’la chance d’avouér un cochon si dodu, bon diou ! Dame, ça s’rait bin dommage de gâcher c’cochon quand la fin du monde al’ est pour eud’main !

Berlaudiot jette un regard soupçonneux à Émile Turpin (qu’a la bouche en suc’ de pomme et qu’est franc coum’ un âne qui r’cule) : la fin du monde ? s’étonne t-il. 

T’es donc pas au courant ? dit Émile Turpin, c’est l’réchauf’ment climatique qui va tous nous fée bouillir dans nout’ piau ! Mais si on rôtit ton cochon bin vite, il  s’ra pas pardu quand la fin du mond’ vindra ! 

Berlaudiot roule de yeux comme une chavoche. Pourquoué qu’tu pense que la fin du monde al’ est pour demain ? demande-t-il, de plus en plus soupçonneux.

Pourquoué donc ? T’as donc point entendu Berlaudiot ? Tout l’monde en cause à La Charnivolle, c’est l’réchauf’ment climatique, ils l’ont  dit dans l’poste à la Cop vingt et un ! Vin donc en causer chez Zézette, les gars y teul’ diront.

Émile Turpin interpelle les gars assis à l’ombre dans l’café à la Zézette Descloux à bouér’ des blancs limés. Avec un clin d’œil appuyé, il leur dit que Berlaudiot n’a pas entendu les nouvelles de la Cop vingt et un, et ne sait pas que la fin du monde approche. 

Y sait pas qui y s’rait pu sage de pas gaspiller son cochon. Dame, vaut mieux l’manger, tant qu’on est tous en vie…

Oh oui ! C’est bin la chose la pus sensée, disent les gars en chœur. 

La fin du monde ! À cause du réchauf’ment climatique on va tous bouillir dans nout’ piau ! Les gars, j’en ai les nerfs qui s’croisent su’ l’estomac ! Berlaudiot réfléchit un peu et répond que sa décision est prise, il leur donne rendez-vous pour le lendemain près du Sordon, sul’ coup d’midi, pour y rôtir le cochon. 

Oubliez pas d’apporter quieuques bouteilles, c’est c’qui faut pour un dernier pique-nique au bord de l’iau. 

Le lendemain, en approchant du Sordon, les gars de La Charnivolle aperçoivent de la fumée au dessus des arbres. Berlaudiot est après griller l’cochon, il fait même cuire des patates dans la braise. 

Notre dernier jour avant la fin du monde, se lamente Berlaudiot qui essuie des larmes de tristesse (ou provoquées par la fumée du feu de bois ?). Mais qu’y fait ti chaud, bon dieu ! Si j’étais pas si occupé à rôtir eul’ cochon, j’irais bin fée un dernier bain dans l’Sordon. 

Qué bonne idée, disent les gars, nous on va s’baigner pendant qu’tu rôtis la viande ! Allez, tous à poil !

En un rin d’temps les v’là qui s’déshabillent et qui entassent leurs vêtements près de Berlaudiot, et pi les v’la qui barbottent dans l’ruisseau. 

D’où ils se trouvent ils ne peuvent pas voir Berlaudiot mais ils entendent le moteur d’une camionnette qui s’arrête, puis une conversation et la voix de Berlaudiot qui se lamente à nouveau :

D’un jour à l’aut’ on va tous bouillir dans nout’ piau, et ça s’ra la fin du monde ! 

Les gars ont un peu mauvaise conscience, ils songent à avouer à Berlaudiot que tout ça n’est qu’une plaisanterie. Ensuite ils pourront tous rigoler un bon coup en mangeant le cochon et en vidant des chopines…

Ils sortent de l’eau et se rendent à l’endroit où ils avaient posé leurs vêtements. Les vêtements ont disparu.

C’est là que Berlaudiot leur dit : 

Eh les gars, j’vous ai débarrassé d’vos vêt’ments, j'les ai donnés à un chiffonnier qui passait su' la rout'. J’ai réalisé qu’avec la fin du monde qui va pas tarder, vous en aurez plus jamais b’soin ! Mais si vous courez après lui vous pourrez l'rattrapper avant La Charnivolle !


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