Une lettre mystérieuse d’Emmanuel Delorme.

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Tous ceux qui avaient pu échapper à l’écrasement de la Commune lors de la semaine sanglante, avaient quitté la France pour des pays d’exil, Angleterre, Belgique, Suisse, États-Unis…etc, grâce à des réseaux de solidarité. Emmanuel Delorme en faisait partie. En cherchant pour compléter sa biographie, je suis tombé sur une lettre de lui, qui témoigne de ces réseaux de solidarité (voir la reproduction).

Cette lettre au ton mystérieux qu’Emmanuel Delorme écrit à Hector Denis* se trouve dans les Archives de l'Institut international d'Histoire sociale d’Amsterdam. Elle ne porte ni date ni adresse ni précisions qui auraient pu nuire à son auteur au cas où elle serait tombée aux mains de la police.

En exil à Genève de 1871 jusqu’à la “Grâce amnistiante” de1880, Delorme participe à la solidarité en faveur des communards.Il est membre de la fédération genevoise de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT).

Il n’est donc pas étonnant qu’il apporte son aide à Paul Eugène Vichard** (1835-1907), membre de l’Internationale comme lui, colonel de la Garde nationale pendant la Commune, défenseur du fort de Bicètre, condamné par contumace le 10 septembre 1872 à la déportation dans une enceinte fortifiée (malheureusement, je n’ai pas trouvé de portrait de ce communard).

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Cette aide prend la forme d’une lettre à Hector Denis* (1842−1913), docteur en droit et en sciences, économiste, professeur à l’Université libre de Bruxelles, qui apportait son soutien aux communards réfugiés. En voici le texte.

Monsieur,
Autrefois, pour échapper à des poursuites, mon camarade Longuet et le vôtre, m'avait remis une lettre pour vous.
De cette lettre je n'ai jamais fait usage parce que j'ai changé de destination.
Aujourd'hui, je m'autorise de ma vieille camaraderie avec Longuet pour remettre la lettre en question à un ami qui vous la remettra avec celle ci pour vous expliquer la chose.
Il s'agissait tout d'abord d'ouvrir une première porte au citoyen Vichard * pour l'objet dont il vous parlera.
Je vous salue cordialement monsieur.
Emmanuel Delorme.

D’après la notice biographique du Maitron, Vichard réside d’abord à Londres où il vit du commerce de grains, puis il se rend en Belgique le 3 juillet 1878. Il habite Bruxelles où il gagne sa vie comme négociant en sucres. 

À Genève, Delorme participe à la création de la “Marmite sociale”, restaurant coopératif sur le modèle des premières marmites parisiennes créées par Eugène Varlin en 1868. Il concourt à la création de “L’Égalité”, société de proscrits dont le but est de venir en aide aux plus démunis d’entre eux, avec Jules Guesde, Jules Babick, Aristide Claris, Jean-Baptiste Chardon, Maxime Vuillaume, Eugène Protot, Paule Mink, Eugène Razoua *** etc. Puis il est employé grâce à Paul Pia (ex contrôleur général des chemins de fer pendant la Commune), à la liquidation de la compagnie des chemins de fer de Suisse occidentale.

Genève et la Suisse francophone ont été un refuge pour environ huit cents communards. Solidaires malgré les difficultés à trouver du travail, ils ont préservé le foyer culturel et poli­tique né avec l’exil. Les réseaux de solidarité envers les communards et entre communards y ont contribué, comme l’illustre la lettre d’Emmanuel Delorme pour son camarade Paul Eugène Vichard. 

> * Notice biographique sur Hector Denis dans Wikipedia :https://fr.wikipedia.org/wiki/Hector_Denis
> ** Notice biographique sur Paul Eugène Vichard dans le dictionnaire Maitron :https://maitron.fr/spip.php?article72596
*** Notices biographiques de ces communards dans le dictionnaire Maitron. https://maitron.fr/

> Photos, de haut en bas. Photo cyanotype portrait d’Emmanuel Delorme (Archives départementales de l’Indre). Lettre de Delorme à Hector Denis (Archives de l'Institut international d'Histoire sociale d’Amsterdam) Cliquer sur l'image. Portrait d’Hector Denis. 

> Emmanuel Delorme, chansonnier incorrigible et communard berrichon, par Jean-Pierre Gilbert. Préfaces de Gilles Magréau et Michel Pinglaut. Éditions de La Bouinotte. Un livre broché de 216 pages. Format : 210 X 15 centimètres. Prix 19 euros.

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