Le père Anatole de Bengy, fusillé avec les otages de la rue Haxo à la fin de la Commune.

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On pensera peut-être que je coupe les cheveux en quatre, mais le diable se cache dans les détails, a dit un grand philosophe *. Par exemple, il suffit d’un seul mot mal employé ou pas expliqué, pour fausser le sens des choses. Dans le cas présent on pardonnera (peut-être) au plumitif du Berry et à son rédacteur en chef de ne pas s’être assez intéressés à l’histoire de France. Il est vrai que n’ayant jamais daigné assister à aucune des nombreuses conférences et initiatives du 150e anniversaire de la Commune dans le Cher auxquelles ils étaient invités… ils ne pouvaient pas savoir.

Dans la chapelle nord de l’église église Saint-André, de Jussy-Champagne, un hommage particulier sera rendu au père jésuite Anatole de Bengy, à l’occasion des 150 ans de sa mort, le 26 mai 1871, fusillé par les Communards avec quarante-neuf autres otages sur les hauteurs de Belleville (Paris 20°) au cours d’un épisode tragique de notre histoire appelé Le massacre de la rue d’Haxo. Anatole était le fils des propriétaires du château de Jussy, écrit Le Berry républicain, samedi 7 août page 10.

Ces quelques lignes contiennent une inexactitude. Certes, le soir du 26 mai 1871, à 18 heures, se produit rue Haxo ce qu’il faut bien appeler le massacre d’une cinquantaine d’otages. Une foule de parisiens exaspérés par la répression des cinq premiers jours de la semaine sanglante a tué ces prisonniers, mais les membres de la Commune présents n’ont pu l’empêcher. Qualifier cette foule de Communards (avec un C) laisse penser que ce sont des élus de la Commune qui ont accompli cet acte brutal. Or c’est faux.

J’emprunte au blog de Michèle Audin (Ma Commune de Paris) la deuxième partie de cet article.

Rappelons que le “décret des otages” n’a pas été appliqué et “la Commune” n’a jamais ordonné aucune exécution d’otages. N’empêche, écrit Michèle Audin, il y avait des otages emprisonnés, et des membres de la Commune (Rigault, Ferré) ont ordonné les exécutions de Chaudey et trois gendarmes le 23 mai, de l’archevêque Darboy et cinq autres le 24 mai à la prison de la Roquette — même si les autres membres de l’assemblée communale ont été mis devant le fait accompli et n’avaient pas voté cette décision.

La situation est beaucoup moins nette le 26 mai. Une cinquantaine d’otages, gendarmes et prêtres pour la plupart, ont été conduits rue Haxo depuis la prison de la Roquette. Les membres de la Commune présents ont essayé de s’opposer à leur exécution. C’est une petite foule, affolée, exaspérée, terrorisée et incontrôlable, qui a procédé, avec une rage impitoyable, à leur exécution, dans un désordre tel qu’il y eut d’autres victimes que les otages désignés.

Massacre ? Si la foule qui souhaita et réalisa l’exécution du vendredi 26 mai était si furieuse contre ces soutiens de Versailles qu’étaient les curés et gendarmes, n’était-ce pas parce qu’elle était témoin des massacres dont Paris était le théâtre depuis l’entrée de l’armée versaillaise dans la capitale le dimanche 21 (et qui dura jusqu’au dimanche suivant le 28 mai 1871, d’où le nom de “semaine sanglante”) ?

Des atrocités furent commises de part et d’autres, écrit un journaliste de l’époque. Une assertion dans laquelle rien n’est faux …sauf qu’elle semble faire une juste balance entre les cinquante exécutés de la rue Haxo et on ne sait combien de dizaines de milliers de parisiens massacrés…

Ceci a été clairement synthétisé par Camille Pelletan dans son livre “Questions d’histoire” La vérité, c’est que dans ces sinistres journées, où les rues étaient pleines de sang, où des incendies couvraient le ciel de leurs hideuses fumées aux quatre issues de l’horizon, où la vie humaine n’avait plus de prix, où l’on ne regardait même plus un cadavre, où tout semblait crouler à la fois, des vaincus exaspérés, voués d’avance à la mort, ne songeaient guère à un décret voté deux mois avant, et resté sans effet depuis, au moment où ils tournaient leur rage suprême sur les seules victimes qui fussent entre leurs mains.
La preuve en est dans le chiffre même des exécutions, qui croît avec la colère et l’affolement des vaincus, au lieu de nous apparaître réglé et fixé d’avance. On suit dans cette sinistre augmentation l’exaspération toujours croissante de la défaite.

> Pour vaincre Paris, les Versaillais ont en face d'eux une dizaine de milliers de Gardes nationaux fédérés, décidés à défendre la Commune. Ils doivent conquérir les barricades l'une après l'autre. Les combats de rue feront au total 4 000 tués (877 du côté des troupes versaillaises). S'ajoutent à ce bilan les victimes de la répression car, au fur et à mesure de l’avance de l’armée versaillaise, des liquidateurs tuent méthodiquement les prisonniers et les suspects et jusqu’aux blessés dans les hôpitaux. Une vingtaine de “cours prévôtales” jugent hâtivement les hommes et les femmes pris les armes à la main, dénoncés ou soupçonnés, et les font fusiller sur place, ou encore à la mitrailleuse, tant ils étaient nombreux. Aucun compte de ces victimes n’est tenu par l’armée versaillaise.
Le bilan total de la
Semaine sanglante est d'environ 20 000 tués estiment les historiens modernes, sans compter 38 000 arrestations. À cela s'ajoutent les sanctions judiciaires. Les conseils de guerre prononceront jusqu'en 1877 un total d'environ 50 000 jugements (pour ceux là, le “Rapport Appert” en présente la statistique). Il y aura quelques condamnations à mort et près de 10 000 déportations. L'amnistie ne viendra qu'en 1879 et 1880.

> En effet, le diable se cache dans les détails....
* Et maintenant je peux vous dire qu’on attribue la paternité de cette phrase au grand philosophe allemand Friedrich Nietszche. Mais d’autres disent que c’est un proverbe populaire suisse. Va donc savoir….

> Illustrations. Le Berry page du 7 août 2021 page 10, cliquez sur l’image pour l’agrandir.  Portrait du père Anatole de Bengy en dessous.

> Lire Ma Commune de Paris, le blog de Michèle Audin. >>> Lien. 

> Pourtant il ya des photos, direz vous. Mais la technique photographique étant incapable à cette époque de saisir le moment d’une exécution (les appareils et les plaques de verre ne permettaient pas l’instantané), des photomontages sont réalisés après mai 1871 afin d’illustrer le drame. Ainsi ceux d’Hippolyte Vauvray intitulé Les martyrs de la Roquette, et d’Eugène Appert (visibles aux Archives de Paris et au musée Carnavalet) pour lesquels les auteurs ont procédé au collage des visages des victimes, à la peinture de leurs corps, puis à la mise en scène des Fédérés. 

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