Étude OGM toxiques. Comment Monsanto manipule la polémique.

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Depuis la publication de l’étude d'une équipe de l’université de Caen dirigée par le professeur Séralini, montrant les effets toxiques d'un OGM sur les rats, la guerre des experts et des médias en recherche de sensationnel a démarré. Monsanto et les pro-OGM essayent de discréditer les travaux de l'équipe de scientifiques de Caen par des critiques ou des doutes. Ce qui ne semble pas émouvoir Gilles-Éric Séralini pour qui une étude indépendante qui referait la même expérience pour en vérifier les conclusions est plus que souhaitable.

Mais dans toute cette affaire, le premier étonnement c'est qu'une étude sur deux ans n'ait jamais été exigée par l'Agence européenne de santé, ni les ministères français concernés. On ne peut tout de même pas reprocher au Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Criigen) d'avoir entrepris ce travail que personne n'avait eu le courage de faire avant !

Ce qui est étonnant aussi, c'est que l'Agences de santé se contente du système déclaratif et "gobe" les dossiers des industriels du génétique-business sans jamais faire de contre expertises ! Actuellement (et comme pour les médicaments), c’est l’industriel qui réalise lui-même les études sur les risques éventuels du produit et les soumet à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Ce protocole prévoit que les études sur les rats portent sur trois mois, pour en limiter les coûts. Mais l'accès aux données brutes pour contre-expertise est refusé par Monsanto au motif de "protéger le secret industriel" ! Un argument un peu léger, puisque c'est l’alimentation humaine qui est concernée...

> La recherche animée par le professeur Séralini et son équipe a duré en tout quatre ans, dont deux ans dans un laboratoire de l’ouest de la France. Elle a nécessité un budget de trois virgule deux millions d’euros, financé par la Fondation pour le progrès de l’homme (FPH), et par une association regroupant des dirigeants d’entreprise (Gérard Mulliez - fondateur d’Auchan, ou Jean-Pierre Blanc - des cafés Malongo).

Pendant deux ans, le travail de recherche en laboratoire a porté sur deux cents rats, divisés en quatre groupes principaux : Les rats du premier groupe n’ont ingéré ni OGM ni pesticide. Les rats du deuxième groupe ont bu un pesticide au taux de concentration présent dans l’eau du robinet. Les rats du troisième groupe ont consommé des maïs OGM à des doses plus ou moins concentrées (sans pesticide). Les rats du quatrième groupe ont été nourris au maïs OGM traité avec pesticide.

L'OGM étudié– le NK 603 – a été cultivé clandestinement selon un cahier des charges très strict. Clandestinement, car "Monsanto interdit en effet à tous les utilisateurs de ses semences de les utiliser eux-mêmes ou de les vendre à des fins de recherche", précise Corinne Lepage. Une fois récolté, le maïs OGM a servi à fabriquer des croquettes pour rats, les mêmes qu’utilisent les producteurs d’OGM pour leurs analyses. Chaque semaine pendant deux ans, le sang et l'urine des deux cents rats ont été analysés.

> Une première critique dit que les rats utilisés seraient réputée pour développer spontanément des tumeurs. En fait, les rats de l'étude du professeur Séralini sont les mêmes que ceux utilisés par Monsanto, des rats Sprague Dawley qui sont les plus couramment utilisés en laboratoire. "Alors toutes les autorisations doivent être retirées puisqu'elles reposent sur des tests inopérants !" rétorque Corinne Lepage.

Autre critique, on reproche à Gilles-Éric Séralini le trop faible nombre de rats utilisés pour l’étude. Mais les études de Monsanto n’ont jamais porté sur plus de dix rats par groupe, ce qui n'a jamais dérangé les défenseurs des OGM. Séralini déclare : "Bien sûr que nous aimerions une étude portant sur plus de rats, toujours sur deux ans. Mais il faudrait aussi que les pouvoirs publics commanditent ces études à des laboratoires indépendants."

Des chercheurs ont pointé l'alimentation des rats à base de croquettes, mais, réplique l’équipe française, ce sont les mêmes qu’utilisent les producteurs d’OGM pour leurs tests.

Ailleurs, on reproche à Séralini d’être un militant anti-OGM, donc partial, ce qui fausserait le résultat de l'étude. Le chercheur répond qu'il est au contraire favorable à plusieurs techniques transgéniques, dont la fabrication de médicaments. Mais il est contre les OGM agricoles dont la toxicité au long cours est mal étudiée, notamment avec des protocoles scientifiques qui ont été élaborés par les industries des OGM. De toutes façons, ironise un internaute, l'étude ne consistait pas à nourrir les rats avec des tracts écolos, elle consistait à les nourrir avec un maïs Ogm pendant deux ans, et à constater les résultats !

Certains journaux ont critiqué l'action médiatique du Criigen en la jugeant excessive. Pourtant, elle n'a rien de comparable avec les actions de Monsanto dont la puissance financière n’a rien de commun avec celle du Criigen. La différence, c’est aussi que depuis des années, le lobby de l'industrie des bio-technologies et des semenciers agit dans le domaine de l'information avec des moyens considérables. On peut s'étonner que les médias soient si peu curieux  de connaître l'origine des informations diffusées par les agences de presse et les agences de relations publiques. C'est probablement pourquoi les chercheurs français en appellent aux médias pour alerter l’opinion.

Le porte-parole du Groupement national interprofessionnel des semences (Gnis) met en garde, contre des difficultés au sein de l’Organisation mondiale du commerce, car les Etats-Unis pourraient très mal prendre cette "entrave à la libre circulation des marchandises". Des "marchandises" empoisonnées, tout de même...

La réponse de Monsanto s'est révélée conforme à sa méthode de "relations publiques" pour influencer les médias et l'opinion. Elle a consisté à diffuser les réactions du Science Media Centre de Londres, du groupe de lobby des biotechnologies Europabio et de lAFBV (l’agence française des biotechnologies végétales), qui rejettent l’étude du Criigen. Se présentant comme une entreprise indépendante "qui travaille à promouvoir les opinions de la communauté scientifique au Royaume-Uni pour les médias", le Science Media Center est en réalité financé à 70 % par les grands noms de l’industrie de la biotechnologie. BASF, Bayer, Novartis, CropLife International sont les bailleurs de fonds de cette entreprise  ("indépendante") ! Même chose pour Europabio et l'AFBV. Ces critiques ont été données à l'agence Reuters qui les a diffusées, puis elles ont été reprises dans les médias. Vous venez d'en lire l'essentiel dans cette page.

Bref, Monsanto n'est pas crédible. L'entreprise est connue pour avoir produit le sinistre "agent orange" utilisé pendant la guerre du Viet-Nam, et pour avoir masqué la nocivité de différents produits qu’elle commercialise : Round-Up, Aspartame, PCB, Lasso ...etc. Des éléments qui auraient du suffire à l'Agence de santé européenne pour exiger des recherches toxicologique à long terme par des laboratoires indépendants.

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> Pour conclure (provisoirement), on est en droit de s'interroger sur ce qui semble bien être une collusion entre les entreprises du génétique-business, les agences de santé et les experts consultés par les ministères. Des conflits d'intérêt sont maintenant connus, ils ont été dénoncés au sein des organes européens, mais peu suivis d'effets. Tout ça paraît très malsain. Des exemples ?

Diana Banati, ex présidente de l’EFSA, a du en démissionner car elle était également membre du Conseil des Directeurs de l’ILSI Europe (Internationatial Life Science Institute), une organisation regroupant de nombreuses multinationales de l’industrie agro-chimique et agro-alimentaire (Syngenta, BASF, Nestlé, Pepsico, Unilever, etc).

En février 2012, un rapport de Corporate Europe Observatory  (voir l'image) montrait que douze des vingt et un membres du groupe d‟experts OGM présentaient des conflits d'intérêts, surtout avec l'industrie des biotechnologies. Ce groupe d‟experts est responsable de plusieurs documents de référence et d'avis controversés. Cinq membres avaient des liens passés ou d‟actualité avec l'ILSI : Harry Kuiper (président), Gijs Kleter, Hans Christer Andersson, Jeremy Sweet, et Jean-Michel Wal. Le niveau de collaboration avec l'ILSI variait de la rédaction de rapports clés, à la participation dans un groupe de travail, en tant que contributeur scientifique ou de membre. Un autre rapport du Pesticide Action Network déclare que dix des treize membres du groupe de travail de l'EFSA sur le "seuil de préoccupation toxicologique‟ ont un conflit d'intérêts. 

> "Il n'est pas question que l'EFSA, l'agence européenne chargée de la sécurité des aliments (qui a autorisé le maïs transgénique de Monsanto NK 603), réalise la contre-expertise de nos données, car il y aurait un conflit d'intérêts avec leur autorité et leur carrière", a déclaré le professeur Gilles-Éric Séralini au cours d'une conférence de presse au Parlement européen à Bruxelles avec Corinne Lepage (photo du haut). "Je ne vois pas pourquoi Gilles-Eric Séralini devrait être le seul à rendre public les données brutes de son étude. Je demande que toutes les données brutes qui ont servi de base aux autorisations de commercialisation OGM dans le passé soient communiquées à tous. Je crois que ça pourrait être très instructif" a dit Corinne Lepage !

La polémique continue... Attendons nous à de nouveaux rebondissements.


> Pour en savoir plus :  

Excellent article d'Olivier Cabanel : Du Roundup aux OGM dans AgoraVox.  http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/du-roundup-aux-ogm-123358

L'étude du professeur Séralini sur le site du Criigen  http://www.criigen.org/SiteFr/index.php?option=com_content&task=view&id=414&Itemid=1

Un article de Corinne Lepage dans Hffington post :  Une étude et une démarche historiques.

CareVox. OGM : la polémique est rallumée http://www.carevox.fr/nutrition-regimes/article/ogm-la-polemique-est-rallumee

Les OGM dangereux pour la santé : l’étude qui le prouve. http://www.rue89.com/rue89-planete/2012/09/19/les-ogm-dangereux-pour-la-sante-humaine-letude-qui-le-prouve-235484

"Les experts ne doivent pas être juges et parties"  http://tempsreel.nouvelobs.com/ogm-le-scandale/20120921.OBS3214/ogm-les-experts-ne-doivent-pas-etre-juges-et-parties.html

Basta. L’offensive de Monsanto pour décrédibiliser l’étude sur les OGM. http://www.bastamag.net/article2651.html

Rapport de Corporate Europe Observatory  (CEO) sur les conflits d'intérêts. Corporate Europe Observatory Mundo-B. Rue d’Edimbourg 26, 1050 Brussels, Belgium.  website: www.corporateeurope.org

Le guide Greenpeace des produits contenant des OGM http://guide-ogm.greenpeace.fr/guide




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