Faut-il vraiment espionner tous les français ?

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L’Assemblée nationale, vient de voter à une large majorité (438 députés sur 566), le projet de loi sur le renseignement. Le vote d'une telle majorité de députés devrait normalement rassurer, mais comme pour le vote du traité de Lisbonne qui violait le référendum de 2005, cette espèce d'unanimité est plutôt ...inquiétante.

En effet, selon les textes qui viennent d'être votés, les services secrets pourront écouter les conversations de présumés terroristes, mais aussi intercepter les données d’un nombre incroyable de gens, de militants syndicaux ou associatifs, chercher les sources des journalistes, surveiller toute personne soupçonnée de près ou de loin d’entretenir des liens avec des présumés délinquants ou de s'intéresser à des sites présumés dangereux. Ça fait beaucoup de monde, tout de même !

Bien sûr, chacun comprend qu’il faut renforcer la lutte contre le terrorisme en augmentant les moyens et les effectifs de la police, et aussi en utilisant les technologies nouvelles. Mais là, ça va trop loin, disent de nombreuses critiques. Car  les services dépendant du ministère de l'Intérieur pourront mettre n'importe quel Français sur écoute au motif de la prévention d'attentats, mais aussi la protection des  "intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France" ou encore "la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions". En effet, ça va loin.

Comme tous les textes passés "à chaud" dans l’actualité, celui ci a été adopté en procédure d'urgence, sous le coup de l’émotion et sans débat avec la société civile. Cette loi pose de nombreux problèmes, car le gouvernement ne s'est pas donné le temps d’en mesurer toutes les implications pour définir un fonctionnement respectueux de la démocratie. La CNIL, Médiapart et de nombreuses associations, ont déjà souligné que cela permettait une "surveillance de masse", que la définition des motifs de renseignement était trop large, ou encore "l’absence de contrôle judiciaire suffisant". Et pourquoi n'a-t-on pas explicitement exclu les journalistes, les militants syndicaux et associatifs, les lanceurs d'alertes, du champs de la surveillance dans le texte de la loi, si ce n'est pour des raisons tordues ?

Que se passera-t-il si un gouvernement peu scrupuleux, ou un responsable trop zélé, décide d’utiliser ces nouveaux moyens de surveillance à des fins autoritaires ou répressives ? Dans le Cher, il semble qu'on n'y voit pas malice. Le quotidien Le Berry affirme sans rire que "La loi protège les libertés publiques" dans son édition du 9 mai. Et deux députés du Cher, Yves Fromion et Yann Galut, n'y ont sans doute pas réfléchi longuement (ou bien ils possèdent une boule de cristal qui leur dit que c'est impossible), ils ont voté pour le projet. L'autre député du Cher, Nicolas Sansu, à défaut d'être voyant extra lucide, s'est montré plus prudent et a voté contre. Il a été bien inspiré, car outre le danger cité plus haut, cette loi organise l’impunité des agents de l’État, donne un privilège au jugement administratif, et les recours pour les personnes pensant être sujettes à la surveillance sont quasiment inexistants.

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Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, interrogé par un journaliste sur les inquiétudes suscitées par la loi, a soutenu que l’on pouvait faire confiance à notre classe politique, car elle a le sens des responsabilités. En somme, pour ceux qui auraient des doutes sur l’utilisation que pourrait faire un gouvernement autoritaire de cette loi (suivez mon regard) il y aura toujours la possibilité de voter socialiste aux élections suivantes... Ça rassure en effet.

"Nous refusons de légaliser le droit pour les services secrets de lire tout courriel, d’écouter toute conversation téléphonique, de lire tout SMS, de mettre tout espace privé sur écoute", dit une pétition qui appelle au retrait de la loi renseignement. Et le texte poursuit : "Nous refusons que disparaisse ainsi la protection des sources des journalistes, essentielle à la liberté d’informer et d’être informé. Nous refusons que disparaisse ainsi le secret professionnel qui protège les liens entre un citoyen et son avocat. Nous refusons que disparaisse ainsi la difficulté pour les polices de faire intrusion dans notre vie privée : car sans cette difficulté, les libertés d’opinion et d’expression disparaissent, directement ou par autocensure". 

Et qui contrôlera cette machine technico policière ? Quelles garanties pour qu'elle ne veuille pas grossir de plus en plus ? Quelles précautions sont prises pour qu'elle ne fabrique pas ses propres suspects, comme pour l'affaire Tarnac ? Bref, pour paraphraser cette vieille maxime latine, "Quis custodes custodiet ?", on pourrait dire : qui nous protégera contre ceux qui sont censés nous protèger ? 

> Concluons avec les mots de Pierre Tartakowski de la Ligue des Droits de l’Homme: "C’est un projet qui ne fait pas confiance à la société mais qui demande à la société de faire confiance à l’État. Mais ce que nous avons appris, c’est que face à l’État, il ne faut pas de la confiance, il faut des garanties".


> Parmi les associations qui se sont prononcées contre la loi sur la surveillance, on peut citer : l’Association française des victimes du terrorisme, La Quadrature du Net, Amnesty International France, Reporters Sans Frontières, l’Observatoire des Libertés et du Numérique, le CREIS-Terminal, Le Centre d’Études sur la Citoyenneté, l’Informatisation et les Libertés, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des avocats de France, Human Rights Watch, Act Up, les Amis de la Terre, l'Union des familles laïques, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, soixante associations et entreprises du numérique....


> Source: le site web "Projet de loi Renseignement". >>> Lien.




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