Berlaudiot n’est pas frileux.

Les nouvelles histoires de Berlaudiot.


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Un soir d’hiver et de neige, Berlaudiot est assis bien au chaud au café à la Zézette Descloux. Il bavarde avec les gars de La Charnivolle, et la conversation tourne autour du froid qu’il fait.

Y fait ti fré dihors ! s’exclame Albert Pasdeloup, le sabotier, qui vient d’entrer et qui s’assied avec les gars.

Dame oui ! approuve Pierrot Chamaillard le cantonnier, qu’est d’habitude pas bavard.

Ça m’rappelle y a quinze ans quand ça l’a g’lé si fort que mes poules a f’saient des oeufs glacés, dit Étienne Babillot, le fermier (çui qu’on appelle "le raboulou”).

Dame oui, je m’souviens que l’bedeau il éteignait la flam’ des cierges anque des ciseaux tel’ment qua l’taient g’lées ! renchérit Pasdeloup.

Eh bin moué j’sons en manque eud’ bouillottes, zéro, y en a pus, y m’ont tout ach’té ! dit Antoine Massicot le quincailler. 

Comme d’habitude, Berlaudiot ne peut s’empêcher de fanfaronner. Le v’la qui se redresse comme un jau sur un tas d’fumier. Et v’la c’qui dit :
Moué, l’froid ça m’fait rin. J’pourrais bin t’nir toute une nuit, d’bout dans la neige, sans feu pour eum’ chauffer.

Personne peut fée ça, Berlaudiot, t’éxagère, comme toujours. Toute eun’ nuit …faut ti faut ti  ! soupire Chamaillard, en regardant la neige tomber sur la place de La Charnivolle.

Eh bin, moué j’te dis que j’pourrais bin t’nir toute eun’ nuit, d’bout dans la neige- Et je l’ferai c’te nuit !. Je l’ferai même sans eune ch’tit’ braise pour eum’ chauffer. Alors, si j’gagne eul’ pari vous m’payez tous eun’ chopine, et si j’perds, demain souér j’vous cuisine un gueul’ton cheu moué ! 

Le pari est lancé. Les gars s’en vont dormir sous leurs éderdons tandis que Berlaudiot, enveloppé comme un panaris, reste seul sur la place. La neige glacée recouvre ses pieds et le vent fouette son visage. Mais, le plus pénible c’est la somnolence qui le gagne. Il essaie de rester éveillé, il se réchauffe en battant ses mains glacées et en tapant des pieds. Il parvient à lutter contre le sommeil en fixant une bougie qui clignote dans le café à la Zézette. 

Le matin arrive. Les parieurs trouvent Berlaudiot, tout ankulosé, frissonnant et baillant, qui entre chez Zézette prendre un café bien chaud. Voyant qu’il a réussi à passer la nuit dehors, ils sont tout ébahis. 

Comment qu’tes ti don resté éveillé toute la nuit ? demandent-ils. 

Eh bin, j’ai r’gardé eun’ bougie cheu la Zézette, répond Berlaudiot.

T’as bin dit eun’ bougie ? 

Eun’ bougie, c’est bin ça, répond Berlaudiot.

Eun’ bougie allumée, ça fait eun’ flamme. Eun’ flamme ça fait d’la chaleur. Berlaudiot, t’as triché, tu t’es réchauffé anque la chaleur de c’te bougie. T’as perdu l’pari ! dit l’Antoine Massicot. 

Tout d’abord Berlaudiot rit de l’argument, mais les mauvais perdants ne plaisantent pas. Ils soutiennent mordicus qu’une bougie à l’intérieur d’une maison peut procurer de la chaleur à un gars dehors sur la place pendant toute une nuit. 

Bon, maintenant qu’on a gagné l’pari, Berlaudiot à ç’souér cheu toué pour eul’gueul’ton !– 

Bin les gars j’voué bin qu’vous avez eun’ bourse en piau d’hérisson, s’exclame Berlaudiot. Si vous dites que j’on pardu, j’on pardu ! Alors à ç’souér ! 

Et le soir, les gars viennent frapper à la porte de Berlaudiot.. 

Eul’ souper est pas tout à fait prêt, entrez et siésez vous, lance Berlaudiot de sa cuisine.

On est pas pressés, on attendra l’temps qui faut, répondent-ils. Et ils reniflent l’air pour deviner ce qui mijote. Pas d’odeur. Ils attendent, ils attendent, ils attendent…

J’espère que vous z’avez pas faim les gars, leur dit Berlaudiot depuis la cuisine, pasque l’souper il est pas encore prêt. 

Et ils attendent encore et encore…

P’têt bin qu’on pourrait t’agider ? dit Babillot, affamé coum’ pas possib’.

Bon, dit Berlaudiot, vous pouvez tous v’nir à la cuisine.

Et dans la cuisine, les v’la qui trouvent Berlaudiot debout, en train de remuer le contenu d’une grande marmite sous laquelle brûle une bougie. 

Allez, y a pu que queuque minutes, dit Berlaudiot en regardant dans la marmite. L’iau a d’vrait pas tarder à bouillir : eun’ bougie ça fait tel’ment de chaleur, vous savez bin ! 


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