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Réformer. En langue de bois et dans le contexte.

Bouge-pas

“Je pense que les gens pensent que nous avons besoin de réformes. Nous voulons faire des réformes, alors nous allons faire des réformes” a déclaré Emmanuel Macron à la BBC en mars dernier. Nous avons entendu des milliers de fois cette formule : il faut réformer la France. Réformer c'est le mot/argument fétiche des gouvernants, des politiciens, des "experts" de tout et de rien, des grands et petits bachi bouzouks des médias. Mais, au fait, ça ne serait pas de la langue de bois ? Et d'ailleurs, réformer, qu'est-ce que ça veut dire ?

Rassurez vous, ce qui va suivre n'est pas un cours de sémantique, simplement des rapprochements que chacun est à même de faire.

Commençons par le commencement. Réformer signifie "réduire ou supprimer des abus", mais aussi "rétablir dans sa forme primitive"

Il existe plusieurs synonymes de réformer : réviser, supprimer, mettre à la ferraille, bouleverser, infirmer, ajourner, revoir. Le contraire de réformer est : détériorer.

Mais réformer peut avoir un sens positif, comme : changer, améliorer, corriger, renouveler, remanier, révolutionner, refondre. Ah oui, c'est vrai...

Avec ces exemple, vous venez de découvrir (ou re-découvrir) un des trucs de la langue de bois : l'emploi d'un terme qui signifie à la fois une chose et son contraire. Commode pour cacher une intention (pas très honnête de préférence), à force de répétitions dans un discours fumeux, d'apparence scientifique ou technocratique.

Bon, allez, je vous le remets dans le contexte...

Pour faire simple, réformer n'est pas simplement pour que les p'tits Français deviennent plus propres et présentables pour le plaisir de se voir chaque matin dans la glace ; le contexte c'est la mondialisation et l'Europe. Pas moins.

Pour Emmanuel Macron et Sarkozy avant lui (et bien d'autres encore), il faut réformer, parce qu’il n’y pas d’alternative, parce que la mondialisation est une opportunité ...mais les Français onnt décidément du mal à comprendre !

En effet, il suffit de faire ses courses pour constater que la mondialisation c'est l’extension des chaînes d’approvisionnement d’un bout à l’autre du globe, donc la mise en concurrence des travailleurs par l’abaissement des tarifs douaniers et des salaires, par le chômage  massif. Et il suffit d'écouter les journaux télévisés pour observer l’assujettissement de la souveraineté populaire à des institutions qui se fichent de la démocratie. Le libre-échange (avec son outil, la "réforme") est devenu un projet de civilisation. 

Ce que veulent Hollande, Macron, les multinationales et l'Organisation mondiale du commerce, ce que font petit à petit les négociateurs du traité transatlantique (le fameux Tafta), c’est mettre l’entreprise au centre de tout, au détriment des salariés et des services publics. L'entreprise et la finance sont en passe de devenir la forme universelle de gouvernement des humains, c'est l'horizon que nous dessinent les médias. Cette métamorphose des sociétés humaines en sociétés par actions s’opère sous nos yeux, dit (en substance) Pierre Rimbert dans Le monde diplomatique de juin 2015.

Voilà la raison d'être des "réformes" et la raison d'être des gouvernants "réformateurs". Au lieu de mettre l'humain au centre des rapports sociaux, ils ont choisi d'y mettre l'entreprise. Mais comme c'est inavouable, ils ont baptisé ça "réformer". Vous avez tout compris.

Ce qu'ils appellent "réformer" c'est tout le contraire du progrès humain. Ça signifie réviser, supprimer, mettre à la ferraille, infirmer, bouleverser, rétablir dans sa forme primitive. Mais alors, rétablir dans sa forme primitive, ça ne serait pas réactionnaire ça ? 


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