La Borne. Obama est-il dépassé par les événements ? | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Obama est-il dépassé par les événements ?

Obama-prix Nobel

> Le grand historien américain Howard Zinn (décédé le 27 janvier dernier) attribuait à Barack Obama le mérite de présenter un visage plus amical des États-Unis au reste du monde. Mais cela était à ses yeux insuffisant. "En Afghanistan, les combats augmentent, déclarait-il. Nos bombes continuent à tuer un grand nombre de civils, même s'il apparaît évident que nous ne résoudrons pas les problèmes du pays par la guerre. Nous ne devrions pas être une superpuissance militaire. Nous devrions être une superpuissance humanitaire."


> La défaite du Parti démocrate dans le Massachusetts constitue un sévère avertissement pour Barack Obama avant les élections de la mi-mandat, prévues à l’automne prochain. Elle traduit la fin de l’état de grâce pour le président, élu sur un formidable espoir de changements sociaux et pacifiques. 


> La paix et la sortie de la guerre en Irak. Les troupes US devaient vite quitter le terrain irakien, elles y sont toujours. Barack Obama avait annoncé une fermeture rapide du bagne de Guantanamo, on n'y est pas encore. À son actif il a annulé le déploiement du bouclier antimissile en Europe et il a remis à l’ordre du jour, avec Moscou, les discussions sur le désarmement nucléaire. Dans le contexte actuel, l’attribution spectaculaire du prix Nobel de la paix paraît tout de même une anticipation un peu hardie....

Le décalage entre la parole et l’action du gouvernement de Barack Obama est devenu de plus en plus visible. Renforcement de l’Otan sous l’égide des USA et envoi de troupes en Afghanistan. Sur le plan financier, l'envoi des 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan devrait coûter entre 25 et 30 milliards de dollars, portant à 95 milliards de dollars le coût total des opérations pour l'exercice budgétaire en cours, soit bien plus que les 61 milliards de dollars dépensés dans le même temps en Irak. Ainsi Obama a fait passer le budget militaire annuel de  525 milliards de dollars à 635 milliards.

Selon les sondages d'opinion, les Américains sont profondément divisés sur l'Afghanistan, une partie de la population est lasse des opérations militaires engagées depuis les attentats du 11 septembre 2001. D'après une récente enquête Washington Post-ABC News, 48% des Américains désapprouvent la manière dont Barack Obama traite la question afghane, alors que 45% seulement l'approuvent.

Avec l'installation de bases en Colombie, les logiques anciennes ont continué de s’imposer (sept bases militaires étasuniennes viennent d’y être installées). Elles s’ajoutent aux deux bases panaméennes de Punta Coca et Bahia Piña, aux divers "postes  d’opération avancés" dont deux installés tout près des côtes vénézueliennes, sur les îles néerlandaises d’Aruba et de Curaçao. La IVe flotte américaine a été réactivée et se trouve dans les parages. Le Vénézuela de Chavez et son pétrole seraient ils devenus une cible ?

Le complexe militaro industriel et pétrolier qui exerce une pression considérable sur la politique américaine depuis un demi siècle ne semble pas affaibli, Obama saura-t-il s'en affranchir ? On peut en douter : n'a-t-il pas déclaré qu’il s’agissait pour lui de "remettre en selle le leadership des États-Unis" dans le monde.


> La réalisation d’une couverture santé pour tous les citoyens des USA. Le projet de réforme du système de santé devait ouvrir l’accès aux soins à près de quarante sept millions de citoyens qui en sont encore dépourvus. Il y a aux USA 46,8 millions de personnes non-couvertes par l'assurance santé, qui sont à la merci du moindre accident, s’interdisant d’aller chez le médecin quand ils soupçonnent quelque chose, et conduites à la faillite personnelle en cas de pépin majeur. De plus, ce système coûte cher : plus de 15% du PIB (au bénéfice des assurances santé privées)! C'est 11% pour la France (et Sarkozy qui affirmait que notre sécu est la plus chère du monde !).

Selon des journalistes américains cette réforme emblématique sur la santé, a été tellement été marchandée, édulcorée, et re-toquée par souci de ne pas bousculer les lobbies et les logiques du système, qu’elle ne respecte même plus aujourd’hui 10 % du cahier des charges initial.


OBAMA Dépassé

> Pour certains analystes étatsuniens, Obama à la Maison-Blanche a fait naître de grands espoirs et de grandes ambitions de changement. Lui qui savait les incarner mieux que quiconque dans de très beaux discours, a rapidement heurté le mur de la réalité politique. 

"Les crises sont des occasions de changer le monde", disait Obama au tout début de sa présidence. Pourtant, il semble avoir raté une belle occasion. Au début de 2009, les puissants banquiers de Wall Street étaient à genoux : le public exprimait rage et colère contre l’industrie de la finance et de nombreuses banques dépendaient de l’argent des contribuables pour leur survie. Qu’a fait l’administration Obama ? Elle a vertement critiqué les dirigeants  des banques qui, à peine sauvées par l'argent public, ont versé des milliards de dollars en prime à leurs cadres. Obama n'a, semble-t-il, usé d'aucun de ses pouvoirs pour imposer au système bancaire de nouvelles règles, ni une augmentation conséquente des fonds propres (qui rend les banques plus sûres en cas de défaillance en chaine des emprunteurs). Ainsi des millions d'américains sont jetés à la rue et des millions de maisons individuelles sont saisies par les huissiers, voire immédiatement détruites (ça revient moins cher aux banques que d'entretenir un parc immobilier dont personne ne veut). Et les banques après avoir été sauvées par l'État (c'est à dire aux frais des contribuables) réalisent à nouveau des profits astronomiques et se lancent dans de nouvelles spéculations. 

Résultat, la déception des citoyens des États Unis se nourrit de l’explosion du chômage et du creusement des inégalités, alors que Wall Street s’en sort avec insolence.


> On peut s'interroger : au fil des mois, depuis son élection, on a l’impression que Barack Obama se heurte systématiquement à des murs qui l’empêchent d’agir et d'engager son pays vers le progrès social et vers la paix.  La présidence des États Unis sortira-t-elle des ornières traditionnelles de la politique américaine ?


Sources : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/obama-le-petard-mouille-67767

http://caveat.ouvaton.org/2009/08/02/pourquoi-la-reforme-de-la-sante-aux-etats-unis-nous-concerne-tous/

http://www.courrierinternational.com/article/2010/01/29/obama-vu-par-howard-zinn


Un commentaire ?