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Liberté d'informer. L'UMP imite Viktor Orban.

De haut en bas.

a/ Viktor Orban.

b/ 3 janvier, la une de Nepszabadsag

"La liberté de la presse en Hongrie touche à sa fin" écrit dans toutes les langues européennes.

c/ Bernard Carayon.

Viktor Orban (premier ministre hongrois) vient de faire un cadeau de Noël empoisonné à ses compatriotes : une loi liberticide votée le 21 décembre 2010, et appliquée depuis le 1er janvier 2011. La nouvelle loi prévoit des amendes de 700 000 euros pour les télévisions (et 89 000 euros pour les publications sur Internet), si les productions "ne sont pas équilibrées politiquement", ou en cas de publication d'articles "qui portent atteinte à l’intérêt public, à l’ordre public, et à la morale publique". Ces termes englobent toutes les informations et sujets qu'on veut bien y mettre, ils font penser à la censure espagnole ou portugaise au temps des dictatures, et aux mauvais moments de notre histoire, française ou européenne. Les amendes seront décidées par "l'Autorité des médias" (une commission disciplinaire de la presse) composée de cinq membres du parti conservateur Fidesz, le parti au pouvoir. 

Le journal Nepszabadsag du 3 janvier affichait en première page la phrase "La liberté de la presse touche à sa fin", dans toutes les langues de l'Union européenne. Un adieu funèbre.


Le moment était donc particulièrement bien choisi pour les Dupont-la-censure de l'UMP pour s'engager dans une saine émulation et imiter leurs amis hongrois. Yves Fromion, député du Cher nord a jugé bon de se joindre à eux... 

Mais comme nous sommes en France, nos conservateurs laissent les hongrois piétiner avec leur gros sabots. Chez nous, l'UMP préfère attaquer par un biais à la mode et plus commode, celui de l'information économique (sujet aussi vaste que celui de la morale publique).

Leur idée est simple : condamner tout journaliste ou toute personne ayant tenté (même sans y parvenir) de "s’approprier, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée". La condamnation est celle prévue par l’article 314-1 du code pénal, qui condamne les personnes responsables d’un abus de confiance et les maître-chanteurs, et coûte la bagatelle de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende !

Si la loi UMP-Carayon était adoptée, elle donnerait aux entreprises et à l'État le moyen de baîllonner l'information. La caméra cachée, hors la loi, interdite ! Les Echos, l'Expansion, on ne critique plus les bilans ! Le Monde qui publie les fuites de WikiLeaks, sanctionné ! WikiLeaks, interdit, puni ! Le Canard enchaîné, 375 000 euros d'amende ! Parler du Mediator du laboratoire Servier, de la composition d'un maïs OGM, la gestion aventureuse d'une entreprise qui licencie, trois ans de prison ! 

Telles sont les menaces qui pèsent sur toutes les rédactions des journaux français.

Cet article de Guillaume Champeau vous en dit plus.


La presse aura-t-elle l'interdiction pénale de publier des fuites ?

Le député Bernard Carayon, appuyé par plus d'une centaine de collègues des bancs de l'UMP, a déposé une proposition de loi qui condamne de trois ans d'emprisonnement le fait de divulguer des "informations économiques" qu'une entreprise souhaite garder secrètes. La presse, qui publie régulièrement des informations et des rumeurs sur les activités et les projets des entreprises, est directement concernée.

Plus de cent trente députés UMP ont co-signé une proposition de loi déposée par le néo-godillot Bernard Carayon, qui vise à assurer la "protection des informations économiques" des entreprises. Le texte doit garantir la confidentialité de tout ce qui a une valeur économique pour les entreprises, mais qui ne relève ni du droit d'auteur, ni du droit des brevets, ni du secret de fabrication, ni du secret professionnel. Il pénalise ainsi l'obtention frauduleuse ou la communication au public de toute "information à caractère économique protégée".

Il s'agit, selon la définition proposée, de l'ensemble des "informations ne constituant pas des connaissances générales librement accessibles par le public, ayant, directement ou indirectement, une valeur économique pour l’entreprise", et que l'entreprise a voulu garder secrètes en mettant en oeuvre "des mesures substantielles conformes aux lois et usages". Il s'agit donc de toute information économique ou industrielle qui n'a pas encore été officiellement divulguée par les services de communication de l'entreprise. Ce qui concerne aussi bien la santé économique d'un groupe, avec ses éventuels plans de licenciements ou de rachats d'entreprises, que la sortie d'un nouveau produit, le tarif d'un prochain service, l'échec d'une ancienne nouveauté, ou l'enquête interne ouverte à l'encontre d'un produit potentiellement dangereux.

Par référence aux peines prévues pour l'abus de confiance, le texte punit d'un an d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende le fait de "s'approprier, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée". 

Le projet de loi vise donc non seulement les employés et tiers contractants de l'entreprise, mais aussi toute personne qui divulguerait des informations, y compris la presse, les blogueurs ou des sites comme Wikileaks. L'enquête ne sera plus un métier, mais un délit.

"Les journalistes devront enfin nécessairement respecter les "embargos" imposés unilatéralement par les directions marketing des sociétés. Fini, les "scoop" de l’iPhone 4 perdu dans un bar par un ingénieur distrait… tant que la chose est déclarée "secrète" par la Haute Direction – qui détient alors de facto les pouvoirs d’un juge-, nul gratte papier ne pourra en parler", s'indigne le CNIS Mag'.

Pour justifier la proposition de loi, Bernard Carayon estime que "l'utilisation croissante et les rapides progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication fragilisent" la confidentialité d'informations non brevetables, et qu'elles génèrent le risque de "conséquences dévastatrices auxquelles il convient d’apporter des réponses judiciaires adaptées". Mais disproportionnées.

Guillaume Champeau. Lundi 24 Janvier 2011.


> Source, Numerama : http://www.numerama.com/magazine/17867-la-presse-aura-t-elle-l-interdiction-penale-de-publier-des-fuites.html

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