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Le vrai visage de l’Europe : une dictature de l’argent !

Banksters

Pour l’économiste Prix Nobel Paul Krugman (cité par Pierre Khalfa, Libération du15 juillet), les décisions de l’Eurogroupe vis à vis de la Grèce “sont de la folie. Cela va au delà de la sévérité, vers l’envie de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et aucun espoir de soulagement. C’est une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé représenter”. Ce sera l’entrée en matière de cette petite revue de presse. 

Continuons avec un extrait de l’analyse de Romaric Godin (journaliste financier) dans La Tribune le 13 juillet. “Il faut expliquer cette défaite d’Athènes. Le gouvernement grec avait accepté jeudi soir 9 juillet le plan des créanciers présenté le 26 juin. Un plan déjà extrêmement difficile à accepter pour la majorité parlementaire grecque, qui s’était d’ailleurs fissurée à la chambre des députés. Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, pouvait cependant alors prétendre pouvoir arracher un accord sur la dette comme compensation”. Mais les créanciers ont alors immédiatement compris où était le défaut de la cuirasse : “L’exécutif grec craignait davantage la sortie du pays de la zone euro que l’abandon de son propre programme. On aurait pu s’en douter lorsqu’Athènes avait déjà présenté un plan d’austérité. Mais le “non” au référendum avait été une contre-offensive qui, compte tenu du résultat, pouvait donner un mandat implicite au premier ministre pour réaliser la sortie de la zone euro (le Grexit). Alexis Tsipras n’en a pas jugé ainsi. En grande partie parce qu’il a commis l’erreur de ne pas le préparer.”

Dans une interview largement diffusée sur le web, Yanis Varoufakis, ex ministre des finances et négociateur détesté des eurocrates, dénonce l'absence de débat de fond au sein des instances européennes. Pour lui, tout était plié d’avance. : “Il y avait un refus total  de s'engager dans des argumentations économiques. Refus total. …Vous avancez un argument sur lequel vous avez réellement travaillé - pour être sûr que c'est logiquement cohérent - et vous rencontrez des regards vides. C'est comme si vous n'aviez pas parlé.  Ce que vous dites est indépendant de ce qu’ils disent”. Il ajoute "J'aurais pu tout aussi bien chanter l'hymne national suédois, j'aurais obtenu la même réponse !”. 

Poursuivons avec Yanis Varoufakis. Selon lui, le groupe des ministres des Finances de la zone euro est "complètement, totalement" dominé par le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. "C'est comme un orchestre extrêmement bien dirigé, dont il serait le chef", dit-il.  “Il n'y a que le ministre des Finances français (Michel Sapin) qui émettait une tonalité différente de la ligne allemande, mais c'était très subtil. Dans l’analyse finale, quand Schäuble répondait et déterminait la ligne officielle, le ministre français finissait toujours par plier et accepter”. Et dans une interview au “New Statesman”, Varoufakis ajoute que l’Eurogroupe : “est un groupe inexistant qui a le pouvoir absolu de déterminer les conditions de vie des Européens. Il n’a à rendre de comptes à personne, étant donné qu’il n’a pas d’existence légale ; aucun procès-verbal n’est conservé ; et il est confidentiel. Donc aucun citoyen ne sait jamais ce qui se dit en son sein... Ce sont presque des décisions de vie et de mort, et aucun membre n’a à en répondre devant quiconque.  La zone euro est un endroit très inhospitalier pour les honnêtes gens”…..

Cet échec est probablement le prélude à la chute d’Alexis Tsipras et de Syriza, encore plus de chômeurs, encore plus de misère. Y aura-t-il de nouvelles élections ? Verrons nous un nouveau mouvement populaire ou la résignation des grecs ? Verrons nous le retour des oligarques qui avaient falsifié les comptes de la Grèce pour entrer dans l’euro ? Ou la venue d’un gouvernement de technocrates dévoués à la finance et à la Commission Européenne ? 

Mais il y a un mais, insiste Romaric Godin. “Il est cependant un point sur lequel Alexis Tsipras a clairement gagné : il a mis à jour par ses six mois de résistance et ce déchaînement de “vengeance” (The Guardian), la nature de la zone euro. Ce lundi 13 juillet, on y voit plus clair sur ce qu’est la zone euro. A l’évidence, les gouvernants européens ont agi comme aucun “eurosceptique” n’aurait pu l’espérer” !

Dans “Alternatives Économiques”, l’économiste Jean-Marie Haribey analyse le “compromis” en forme de diktat. “Quelles sont les quatre premières mesures à devoir être adoptées en deux jours (!?). Rationalisation du régime de la TVA ; viabilité du système des retraites ; indépendance de l’organisme statistique, respect du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de l’Union économique et monétaire”. Puis “ambitieuses réformes des retraites ; privatisation du réseau de distribution d’électricité ; modernisation du marché du travail ; programme de privatisation nettement plus étoffé”. C’est exprimé en langue de bois technocratique, mais on l’a tellement entendu dans les médias qu’on commence à “décrypter” sans aide. Puis viennent les chiffres et les intentions…

“Autrement dit, en termes intelligibles : 25 milliards d’actifs publics seront directement versés aux créanciers ; 12,5 milliards seront la contrepartie d’une possible décote des créances ; 12,5 milliards resteront disponibles pour des investissements. Au total et au mieux, sur les 50 milliards de patrimoine public grec vendu à l’encan, les Grecs ne disposeront que d’un quart, les trois quarts iront dans la poche des créanciers, exactement comme lors des prétendus 240 milliards d’aide à la Grèce depuis 2012” ! 

Mais il faut rappeler que ce soi-disant “accord”, un  texte de sept pages n’est qu’une déclaration pour que les négociations reprennent… à condition que la Grèce fasse passer immédiatement deux lois, sur la TVA et sur les retraites. Avant un train d’autres “réformes”. 

Que se sera-t-il passé en Grèce depuis le 25 janvier 2015 ? Rien : six mois de l’histoire de ce pays sont rayés de l’histoire de l’humanité. ‘De sérieux doutes planent sur le caractère soutenable de la dette. Cela est dû au relâchement des politiques au cours des douze derniers mois’ ont osé dire les grands vizirs Européens. “On touche ici au règne d’Ubu, écrit Jean-Marie Haribey. L’insoutenabilité de la dette est attribuée non pas aux politiques d’austérité qui ont fait baisser de plus d’un quart le PIB de la Grèce, mais au fait que l’austérité n’aurait pas été poursuivie” ! 

Pour rester dans cette note d’humour noir, on se souviendra que Mario Draghi (actuel président de la banque centrale européenne -BCE), est celui qui a participé avec la banque Goldman-Sachs au trucage des comptes du gouvernement grec de Constantin Similis en 2000. C’est un des actes qui a conduit la Grèce au bord du gouffre, puis au sursaut populaire qui a porté Syriza au pouvoir. Aujourd’hui, Mario Draghi est de ceux qui parlent d’un “relâchement des politiques au cours des douze derniers mois”. En paraphrasant la réplique des Tontons flingueurs on peut dire que : “Les banksters, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît” !

Revenons à Jean-Marie Haribey, qui poursuit. “Jamais, dans l’histoire contemporaine, depuis la fin de l’ère du colonialisme classique, un pays n’avait été placé sous une tutelle aussi féroce de pays étrangers, d’institutions internationales et, par delà, de la bourgeoisie financière. Avec cet “accord” l’Union européenne et les dirigeants de la zone euro viennent de porter le coup de grâce au peuple grec, à la démocratie et au peu de légitimité qui leur restait. Merkel, Hollande, Lagarde, Juncker, Draghi, Schäuble, Gabriel, Moscovici, et j’en passe, sont à la Grèce de Tsipras ce que furent la CIA, Nixon et Kissinger au Chili d’Allende. Dans les deux cas, il s’agit de nier le choix populaire et de déstabiliser un gouvernement démocratiquement élu. Ce n’est plus le coup d’État de militaires fascistes, c’est celui de la finance, le bras d’une classe dominante arrogante, sûre de son hégémonie perpétuelle”.

En page 9 de Libération du 15 juillet, Pierre Khalfa (co-président de la Fondation Copernic) écrit : les institutions européennes “utilisant leur bras armé (la Banque centrale européenne-BCE), ont mis en place une stratégie d’étranglement financier du pays qui a mis le système bancaire au bord de l’effondrement et abouti à la paralysie économique. L’objectif unanime des dirigeants européens était d’empêcher un succès du gouvernement Syriza. Il fallait montrer qu’il était impossible de mener une politique alternative en Europe, même et surtout si elle résultait d’une décision démocratique. Jamais les institutions européennes n’accepteront de voir s’installer un gouvernement menant une politique qui rompt avec le néolibéralisme”.

L’Europe vient de montrer son vrai visage : ce n’est qu’une dictature de l’argent. Attendons nous à voir encore pire de la part des banksters qui sont aux pouvoir. …À moins que les peuples européens ne sachent tirer les leçons de la manière dont cette injuste et cruelle punition est infligée au peuple grec.

> Sources. “1938, Munich – 2015, Berlin". Le blog de Jean-Marie Haribey dans Alternatives économiques. >>> Lien.

"Défaite de la Grèce, défaite de l’Europe”, par Romaric Godin dans La Tribune. >>> Lien.

“Vae victis !, malheur aux vaincus“, par Pierre Khalfa, page 9 de Libération du 15 juillet.

Le texte imposé à la Grèce  annoté par Yanis Varoufakis (version intégrale).  >>> Lien.

Interview de Yanis  Varoufakis au New Statesmen (en anglais).  >>>>Lien.


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