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Le patron d’Air France  se pense encore au dix neuvième siècle.



1 mn40 s avec A. De Juniac Pdg Air France

A la réflexion, je me demande quand même, si leur faire tomber la chemise suffira...

Posted by José Sanchez on jeudi 8 octobre 2015


Lors des entretiens de Royaumont les 6 et 7 décembre 2014, les organisateurs de ces rencontres patronales demandent à Alexandre de Juniac, PDG d’Air France, d’intervenir sur le thème : “Les acquis sociaux face aux enjeux mondiaux”. 
Les organisateurs vont être comblés car Alexandre de Juniac va beaucoup plus loin que ce qu’on pourrait attendre d’un chef d’entreprise moderne. Il livre sa pensée profonde : une pensée qui date ….du dix neuvième siècle ! 

Les mots manquent pour qualifier ses paroles. Qui pourrait imaginer qu’un patron, surtout d’une entreprise publique, puisse proférer des insanités pareilles de nos jours ? 
Alexandre de Juniac commence par la critique des acquis sociaux. Cet ancien élève de l’ENA, qui semble ignorer toute l’histoire sociale et la constitution de 1946, s’interroge sur leur définition pour finir par affirmer que “tout cela est très flou”. Pour lui : en France, “les acquis sociaux sont considérés comme intangibles et irréversibles”. Succès garanti dans la salle acquise à la propagande du Medef et des “experts” bidon de la télé qui dénoncent “l’immobilisme” des syndicats, l’inadaptation du droit social en France face à la mondialisation …etc. 

juniac-schneider

Pour montrer d’où vient la “pensée” de monsieur de Juniac (hop, on fait un bond dans le temps…), voici une interview de Henri Schneider par Jules Huret en 1897. Henri Schneider est le propriétaire des aciéries du Creusot, et le fils d’Eugène Schneider, fondateur de l’entreprise. 

> Que pensez vous de l’intervention de l’État ? De la journée de huit heures ?
Très mauvaise ! Je n’admets pas un préfet dans les grèves. C’est comme la réglementation du travail des femmes et des enfants, on met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu’on veut défendre, on décourage les patrons de les employer. Pour moi, la vérité, c’est qu’un ouvrier bien portant peut très bien faire ses dix heures de travail par jour et qu’on doit le laisser libre de travailler davantage si ça lui fait plaisir. 
(Extrait de “Enquête sur la question sociale en Europe” de Jules Huret, Éditions Perrin 1897).

Air France/KLM assure près de la moitié du trafic passagers de la société Aéroports de Paris (ADP), détenue à hauteur de 50% par l’État. À elle seule, la compagnie a versé quatre cents  millions d’euros de redevances à ADP en 2014, soit la moitié environ des redevances perçues par la société. Il y a donc d’autres gisements d’économies que dans les effectifs et les salaires... 
Mais de Juniac, qui pense toujours comme s’il vivait au dix neuvième siècle, ne peut l’envisager même une seconde. Pour lui, comme pour Henri Schneider, “il y a le capitaliste, celui qui apporte la forte somme. Le capital qui alimente tous les jours les usines, les outillages perfectionnés, le capital, sans lequel rien n’est possible, qui nourrit l’ouvrier lui même ! Ne représente-t-il pas une force qui doit avoir sa part de bénéfices ?”

> Comme quoi il est possible de diriger une entreprise qui fait voler des jets ultra-modernes autour de la planète et en être resté au temps de la lampe à huile et de la marine à voile…


> Sources. Mediapart : le PDG d’Air France divague sur les acquis sociaux.  >>> Lien.
Merci à Charles pour la phrase de Henri Schneider. Jules Huret, Enquête sur la condition ouvrière en Europe, 1897. (Cned, Histoire-géographie et éducation civique 4e).  >>> Lien.