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La crise est-t-elle pire qu’en 1929 ?!

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La crise mondiale est d’une ampleur exceptionnelle, elle est aussi le constat de décès du modèle libéral anglo-saxon dont nos dirigeants ont appliqué les recettes avec conviction durant des années. Les pratiques de laisser-faire et de déréglementation, basées sur l’illusion d’un marché tout puissant mondialisé, et la croyance en la possibilité pour les acteurs de s’auto-réguler apparaissent aujourd’hui pour ce qu’elles sont : un énorme échec, un énorme gâchis social. La dépression sera sans doute pire que celle qui a suivi 1929.

Les experts comparaient encore récemment la crise actuelle à celle de 1929… Il semble qu’ils se soient trompés. Elle pourrait être encore bien pire, et devenir une première historique d’une ampleur jamais connue. Des recoupements de déclarations récentes de différents spécialistes laissent présager un effondrement sans précédent. Pire qu’en 1929, une crise dont personne ne voit le bout du tunnel, comme l’indique le Wall street Journal. Très loin du plan Obama, le sauvetage des banques US pourrait en effet coûter 4 000 milliards de dollars.

Selon Edward Pinto (ancien cadre de Fanny Mae), la différence avec la crise de 1929 réside dans le fait que, actuellement, les crédits immobiliers encourus dépassent le capital immobilier lui-même (!), ce qui n’était pas le cas lors de la grande dépression. 

Le professeur Peter Morici, de l’université du Maryland, a déclaré que la situation n’était pas celle d’une récession, mais d’une dépression. Une stimulation ne donnera à l’économie qu’un coup de pouce temporaire, et restera insuffisante, ajoute-t-il, en concluant : “L’économie ne s‘en remettra qu’au prix de changements fondamentaux des  politiques bancaires et commerciales”. Chacun aura constaté que ce changement fondamental n’est pas à l’ordre du jour, notamment en France où Nicolas Sarkozy prétend poursuivre l’application d’un programme ultra libéral qu’il baptise du doux nom de  “réformes”.

Selon un autre expert, les banques, qui anticipent des pertes importantes, ne prêtent plus, mais gèlent les liquidités. Les bourses pourraient s’effondrer et perdre 20%, et la montée du prix de l’or annonce la crainte que les pays et sociétés n’honorent pas leur dette.

Les derniers chiffres de croissance du PIB (à un taux annuel) au quatrième trimestre 2008 dans le monde sont encore pires que ceux de la première estimation pour les États-Unis (-3,8%), avec : -6,0% pour la zone euro ; -8% pour l’Allemagne, -12% pour Japon, 16% pour Singapour, -20% pour la Corée. L’économie mondiale est maintenant littéralement en chute libre. Et la contraction de la consommation, des dépenses d’investissement, de l’immobilier, de la production, de l’emploi, des exportations et des importations signale plutôt une accélération qu’une décélération du processus.

Pour éviter cette quasi-dépression, il est nécessaire que soient menées aux USA et dans les autres économies des politiques agressives, cohérentes et crédibles combinant les outils monétaires (traditionnels ou non orthodoxes), les mesures de relances budgétaires, un nettoyage du système financier et une réduction de la charge de la dette pesant sur les agents privés (ménages et sociétés non financières).

Malheureusement, les efforts et les mesures adoptées dans la zone euro restent bien loin derrière celles des États-Unis.

Paul Jorion, qui avait déjà annoncé que la crise était pire qu’en 1929, aborde le problème sous un autre aspect. D’après lui, les spéculateurs sur les marchés à terme des matières premières (notamment alimentaires) travaillent délibérément pour faire s’envoler les prix durant les fortes demandes. Ce phénomène de rapacité de circonstances (bien connu et pourtant insoluble car dans la nature même du libéralisme), aura pour effet de provoquer de futures émeutes de la faim. On s'en approche, si l’on considère les événements récents de  Guyane et Guadeloupe.

Après l’effondrement de l’économie islandaise, la fin annoncée de la livre sterling, d’autres pays, tels que la Hongrie, l’Estonie, l’Ukraine, la Lettonie, la Lituanie, pourraient rapidement se trouver aux abois. 

Par delà la propagande médiatique, on découvre que la vie d’un individu moyen aux Etats-Unis est bien plus catastrophique qu’on le croit. Pour preuve ce témoignage récent, qui parle, entre autres, de quasi villes fantômes, de millions de personnes sans abri, et de chute libre des salaires. C’est dans ce contexte que le congrès vient d’adopter une loi qui autorise l’établissement de “centres de situations d’urgence” sur des bases militaires. Des mesures qui deviennent fort inquiétantes.

On constate que le modèle anglo-saxon de supervision et de régulation du système financier a échoué. Il tablait sur une auto-régulation qui dans les faits signifiait une absence de réglementation, sur une discipline de marché qui n’existe pas lorsque s’installent l’euphorie et l’exubérance irrationnelle, et sur des modèles internes de gestion des risques qui ne réussissent pas parce que - comme le disait un ancien dirigeant de la banque Citi : “tant que joue l’orchestre, tout le monde danse”.

Les temps du “trop d’État” sont finis, le temps du “plus d’État” est devenu nécessaire. Les dirigeants, les “experts” et les “élites politiques” l’ont-ils compris ?….

Librement résumé et commenté d’après deux articles de John Lloyds paru sur AgoraVox samedi 31 janvier, et de  Nouriel Roubini  sur Contre info le 9 février 2009.

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=50871

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2557

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