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LGV Paris-Bourges-Lyon. Le débat entrera-t-il en gare ?

Trace-LGV-Serge-Lepeltier

La ligne à grande vitesse (LGV) passera-t-elle dans le Cher ou dans la Nièvre ? Les grandes manoeuvres ont commencé et les organisateurs de la consultation très ...organisée, font de leur mieux pour que les habitants du Cher voient un jour passer les trains qui font vroum bzzz. C'est ainsi que pour la première présentation du projet le jeudi 3 novembre à Bourges, dans la salle des fêtes de la Chancellerie, de nombreux participants étaient venus spontanément en autocars (ah, pas assez de trains ?) et composaient une assemblée importante (six cent personnes de Bourges, Orléans, Clermont et d'autres villes). 

Le quotidien Le Berry Républicain, un peu sceptique titrait "TGV: des paroles contre des hypothèses", formule bien choisie. À lire et écouter ce qui se dit, il semble qu'on attend tout du train à grande vitesse, un miracle tombé du ciel "tout chaud tout rôti" qui apporterait la prospérité dans le Cher. Mais la réalité est différente, car il n'y a n'a pas de projet pour mettre à profit cette aubaine. Le TGV passera-t-il à Bourges ou à Nevers, c'est une question. Mais si on passait à côté du débat ?

> Rappelons les arguments en faveur de la LGV. Pour la SNCF et l'État il est nécessaire de doubler la liaison Paris Lyon qui est saturée. L'argument commercial de la vitesse apportera une clientèle nombreuse. Pour Bourges, cela créerait une liaison rapide avec les capitales européennes et réduirait le trafic automobile vers Lyon et Paris. La construction du matériel et des voies seraient une activité industrielle qui maintiendrait des emplois (enfin un truc qu'on ne fera pas  fabriquer en Chine !).

> Les tracés. La société Réseau Ferré de France (RFF) maître d’ouvrage de la future Ligne à grande vitesse (LGV), étudie quatre tracés (cliquer sur l'illustration). Les tracés Ouest et Ouest Sud proposent un arrêt en gare de Bourges tandis que les tracés Médian et Est proposent un arrêt en gare de Nevers. Dans tous les cas des rames LGV pourront accéder aux villes de la région (Vierzon, Châteauroux, Montluçon) en empruntant les voies existantes.

> La grande faiblesse du projet dans son état actuel est qu'il ne tient aucun compte de la crise économique. Dans l'hypothèse où le Cher et Bourges seraient choisis, la LGV ne résoudra pas miraculeusement le manque d'emplois dans le département. Car il ne suffit pas de clamer comme Serge Lepeltier "il ne faut pas que l’écologie empêche l’économie de vivre" pour que ça fasse un projet pour le département !En effet les pro TGV affichent un manque d'idées criant. Serge Lepeltier (encore lui) en fait la démonstration en déclarant que "c’est un projet aussi important que la décision de Napoléon III d’installer les industries de l’armement à Bourges", ce qui est un argument ronflant qui ne veut rien dire du tout : les industries de l'armement et leurs milliers d'emplois se sont enracinées à Bourges, les trains ne font qu'y passer ! Pour que la LGV serve à quelque chose dans le Cher, il ne suffit pas qu'elle soit une liaison rapide vers Paris ou Lyon au bénéfice des cadres de Monin, des gradés d'Avord ou de quelques familles aisées pour leur shopping (bon, ça serait toujours ça), il faut surtout qu'elle serve à irriguer de nouveaux secteurs économiques. On attend des propositions des pro-LGV et des élus : quelles créations d'activités proposent-ils ? Quels projets industriels ? Seront-ils à la hauteur des besoins en emplois, seront-ils verts ? Pour le moment, des projets on n'en voit pas. En somme, pas  d'arguments pour convaincre l'État de choisir Bourges plutôt que Nevers.

Pourtant, ces messieurs sont informés, ils savent que faute de projets et d'action, les zones d'activités déjà créées autour des gares TGV sont des échecs (Vendôme, Mâcon, Le Creusot …). Et la Chambre de commerce du Cher n'est pas plus en avance, en novembre 2011 elle en est encore à annoncer sur son site web : "les forces économiques du Cher en faveur du TGV. Entrepreneurs, donnez votre avis en répondant à notre questionnaire en ligne". C'est sans doute ce qui s'appelle anticiper sur l'événement ...en appliquant le quart d'heure berrichon ! Un gros quart d'heure de retard.....

> La presse locale se fait l'écho des réactions au Conseil municipal de Bourges, à l'agglomération, au pays Sancerre Sologne, où s'expriment déjà des points de vues éloignés, voire des dissensions. Chacun veut profiter de l'aubaine en en refusant les inconvénients... Et pas plus de projets venant de ces assemblées.

> Lors de la réunion du 3 novembre à la Chancellerie, les réactions du public trié sur le volet et entièrement acquis à la cause de la grande vitesse reflètent bien la pauvreté du débat. Lorsque Pierre Kaluzny (pour les écologistes) lit sa déclaration, des protestations, des cris et des sifflements se font entendre. Pourtant, les critiques des écologistes anti LGV sont à prendre en considération. Pour eux, la LGV signifie moins de voyageurs sur les trains "normaux", la dégradation du service de la SNCF et le risque de fermetures de lignes. Sectionnement du territoire, pour les habitants, pour la faune et la flore, perte de biodiversité et perte de milliers d'hectares de bonnes terres agricoles. 

On aime ou pas, on est d'accord ou pas, mais ce sont les opposants qui parlent d'économie, eux. Un comble ! Selon le collectif d'associations écologistes, le coût s'élèverait à environ quinze milliards d'euros, soit cinquante ans du budget du conseil général de la Nièvre, trente ans de celui du Cher, quinze ans du conseil régional du Centre... Selon leurs calculs, il sera impossible d'équilibrer le coût de la LGV par le prix du billet, ce seront les contribuables qui en paieront une partie au profit des usagers privilégiés. Toujours selon Pierre Kaluzny,  le coût de ce projet en pleine crise de la dette, empêcherait la rénovation des lignes actuelles et la création de lignes de trains de proximité très attendues par la population. Les manquements à la sécurité des voyageurs et du matériel, régulièrement dénoncés par les syndicats de cheminots, se trouveraient encore aggravés.

Il faut savoir que un kilomètre de LGV correspond à vingt kilomètres de lignes TER,  Les cinq cents kilomètres de LGV prévus pour desservir la Région Centre et l'Auvergne pourraient être dix mille kilomètres de lignes TER, ce qui améliorerait fortement le maillage du territoire. 

Dans le cadre d'un débat digne de ce nom, ces remarques mériteraient pourtant d'être entendues et examinées de façon critique. 

> Il serait temps de se ressaisir, sinon on risque de voir dépenser des milliards pour regarder passer les trains qui font vroum bzzz. Une décision bâclée nous promet pour plus tard le regret des occasions manquées, comme le refus de la gare de triage à Bourges autrefois, ou le refus de l'usine Michelin. En somme, les idées courtes ont la vie longue.


> Site du débat public : http://debatpublic-lgv-pocl.org/index.html

Site de la Chambre de commerce et d'industrie du Cher : http://www.cher.cci.fr/cci-cher-tgv-dans-le-cher-17-196.html

> Le TGV Paris Bourges passera par Henrichemont ! http://www.gilblog.fr/gilblog_archives/2007/berry-blog/