La Borne. La nuit du 4 août, l'abolition des privilèges et nous, (avec un petit détour en Berry). | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

La nuit du 4 août, l'abolition des privilèges et nous, (avec un petit détour en Berry).

nuit_4_aout

Âgé de trente cinq ans en 1789, Louis XVI, roi de France (et Duc de Berry, n'oublions pas), refusa de sanctionner les décrets de l’Assemblée Nationale après la nuit du 4 août, ainsi que d’accepter la déclaration des Droits de l’Homme. "Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient".  

Louis XVI roi de France (et Duc de Berry) n'approuvera ces décrets, après avoir fait traîner les choses, que le 5 octobre 1789. Il faut bien dire qu'il y était politiquement contraint. Ainsi, avec cet événement fondamental de la Révolution française, disparaissait enfin le système féodal et avec lui les privilèges des nobles, des ecclésiastiques, des corporations, des villes et des provinces.

Petit retour en arrière et en Berry. 

En Berry, les États Généraux se réunissent  à Bourges le 16 mars 1789 en l'église des Carmes (qui serait aujourd'hui sur la place Cujas). Pour représenter le Berry, il y aura quatre députés pour la noblesse, quatre pour le clergé, et huit pour le tiers état.

Pour la noblesse, les élus sont : le comte de La Châtre, le marquis de Bouthilliers, le vicomte Heurtault de Lammerville, et Philippe-Jacques de Bengy-Puyvallée.

Pour le clergé : Monseigneur de Puységur, archevêque de Bourges, Poupart (curé), Villenanois (curé), Yvernault (professeur de théologie).

Pour le tiers état : Thoret (médecin à Bourges), Sallé de Choux (avocat à Bourges), Grangier (avocat à Sancerre), Legrand (avocat à Châteauroux), De Boery (avocat à Châteauroux), Beaucheton, (avocat à Issoudun), Poya de l'Herbe (lieutenant particulier à Issoudun), Auclerc Descote (médecin à Argenton).

Nuit_4_aout-AssembléeLes députés de toute la France se réuniront pour la première fois le 5 mai 1789 à Versailles. Et c'est au député berrichon Legrand que l'on doit le nom d'Assemblée nationale (proposition reprise par Siyès), par le vote du 16 juin 1789 !

Le 14 juillet 1789, c'est la prise de la Bastille, événement décisif dans cette période de grande effervescence.

Mais depuis la prise de la Bastille, se développe en France, notamment dans les campagnes, une vague de révoltes appelée la Grande Peur. Elle est alimentée par une rumeur annonçant la revanche de la noblesse au moyen des armes. Dans certaines régions, des paysans s'en prennent aux seigneurs, à leurs biens et à leurs archives, en particulier celles des privilèges et droits seigneuriaux. À Sancerre, on dit que neuf cents brigands arrivent par Cosne. Mêmes rumeurs au Blanc, à La Châtre, Saint Gauthier, et Argenton. Les paysans du Berry, comme ceux de nombreuses provinces, sont en révolte et s'arment pour défendre leur toute nouvelle liberté. À La Châtre cinq mille hommes s'arment et s'apprêtent à marcher sur Guéret le 31 juillet.

C’est pour sortir de cette crise qui pourrait déstabiliser le pays, que naît l’idée de l'abolition des droits seigneuriaux. Dans la nuit du 4 août 1789, les députés de l'Assemblée nationale constituante, dans une magnifique unanimité, proclament l'abolition des droits féodaux. C'est ainsi qu'a la tribune Monsieur de Noailles (député de la noblesse !) déclare : "Les corvées seigneuriales, les mainmortes* et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat", ce qui fait de lui, dit-on, le héros de la journée. L'enthousiasme est refroidi par la dissertation sur les droits féodaux de Legrand, député du Berry, auquel succède un député de la Basse-Bretagne vêtu en paysan, Le Guen de Kerengal. "Dites au peuple, s'écrie-t-il, que vous reconnaissez l'injustice de ces droits acquis dans des temps d'ignorance et de ténèbres" ! 

Les seize députés berrichons représentant la noblesse, le clergé et le tiers état ont voté pour l'abolition des privilèges. On peut imaginer qu'ils font connaître la nouvelle dans notre province. En Berry et dans le reste du pays, le soulagement et le calme reviennent à la nouvelle de "l'abolition des privilèges féodaux " du 4 août, et de la proclamation de la "déclaration des droits de l'homme et du citoyen" le 26 du même mois.


Quelques extraits résumés du décret du 4 août 1789.

Inegalites-1789

> L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal, et décrète que, dans les droits et devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte* réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité, et tous les autres déclarés rachetables, et que le prix et le mode du rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret, continueront néanmoins à être perçus jusqu’au remboursement.

> Le droit exclusif des colombiers est aboli. 

> Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli. Tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier. Toutes capitaineries, même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies. 

Rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, élargissement des prisonniers actuellement détenus, et abolition des procédures existant à cet égard.

> Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité. 

> Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques et autres ordres religieux et militaires,  sont abolies. 

> Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, seront rachetables. Défenses sont faites de plus à l’avenir de créer aucune redevance non remboursable.

> La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement.  

> Les privilèges pécuniaires personnels ou réels, en matières de subsides*, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et dans la même forme.

> Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, et nulle profession utile n’emportera dérogeance.

> La pluralité des bénéfices n’aura plus lieu à l’avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire, excéderont la somme de trois mille livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfice, on une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l’on possède déjà excède la même somme de trois mille livres. 

> Toutes distinctions honorifiques, supériorité et puissance résultant du régime féodal, sont abolies. 



Depuis 1789, l'eau a coulé sous les ponts et les privilèges (les vrais, pas les petits avantages des employés d'EdF !) ont réapparu, mais on les appelle du joli nom d'inégalités, ce qui revient au même. Voici quelques exemples.

Le-riche-ecrase-le-pauvre

La répartition des revenus en France est particulièrement injuste. Les 10 % les plus pauvres parmi les français reçoivent 3,7 % de l’ensemble des revenus, alors que les 10 % les plus riches disposent de 24,1 %. Une part 6,5 fois plus importante !

55 à 60 % du patrimoine total des Français sont possédés par 10 % des familles les plus riches. Cette concentration de la propriété est tout à fait semblable à celle qui existait dans la France d’Ancien Régime, à la veille de la Révolution.

Le pouvoir d’achat des dirigeants de sociétés anonymes a augmenté 10 fois plus vite que celui de leurs salariés. Soit une hausse de 55% sur la période 1998-2006. 

Les revenus du patrimoine sont le premier facteur d’inégalité en France. Ils représentent 9 % du revenu total pour les 10 % des foyers les plus riches, et seulement 3 % pour les autres. Le revenu des biens immobiliers a ainsi augmenté 5 fois plus vite que les salaires.

Les politiques fiscales ont entraîné une augmentation rapide des revenus des ménages les plus riches depuis l'année 2000.  Ainsi, avec la réforme fiscale de 2007 qui a introduit le bouclier fiscal, le gouvernement a diminué l’IRPP (l’impôt sur le revenu). Cette réforme revient dans les faits à limiter le taux d’imposition des ménages les plus riches à 50 %. Ce taux d’imposition prend en compte l’IRPP* la CSG* et L’ISF*. Le coût de cette mesure est de plus de 5 milliards d’euros par an pour l'État. 

L’impôt n’est donc pas devenu "plus juste". Ainsi, pour un ménage qui gagne entre 50 000 et 70 000 € par mois, le gain sera de 18% alors que pour le ménage qui gagne 7 000 €, le gain ne sera que de 1.5%. Le ministre du budget, François Baroin, a reconnu que le fisc avait, dans le cadre de ce bouclier, remboursé à 16 350 personnes la coquette somme de 585.5 millions d’euros, soit un montant avoisinant 35 814 euros par personne !

Les bonus, les intéressements, les actions gratuites ou les stocks options ont modifié la composition des hauts salaires, et contribué à l’explosion de ceux-ci par rapport au reste de la population. Les patrons du CAC 40 perçoivent ainsi une rémunération  qui équivaut par an, à 308 années de Smic. 

Plus de 13 % des français vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté : 908 euros par mois.

De 1789 à 2010, la République a besoin de se remettre à niveau !


*Mainmorte. Les serfs étaient privés de la faculté de faire un testament et, à leur mort, leurs biens revenaient au  seigneur.

*Subsides. Forme d'impôt.

*CSG : Contribution sociale généralisée, impôt institué le 16 novembre 1990, qui participe au financement de la sécurité sociale. 

*IRPP : Impôt sur le revenu des personnes physiques, un impôt direct datant de la première guerre mondiale. C’est un impôt progressif, les citoyens sont donc imposés selon leurs revenus. Il représentait en 2006 17% des recettes de l’Etat.

*ISF : L’impôt de solidarité sur la fortune est un impôt sur la fortune payé par les personnes physiques et les couples détenant un patrimoine net supérieur à 790 000 euros (seuil au 1er janvier 2010)


Sources : Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_du_4_ao%C3%BBt

Texte intégral du décret du 4 août 1789 http://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9cret_relatif_%C3%A0_l%27abolition_des_privil%C3%A8ges

Hérodote.net  http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=17890804

http://www.cosmovisions.com/ChronoRevolutionAbolitionPrivileges.htm

Roland Narboux. http://encyclopedie.bourges.net/etatgeneraux.htm.

http://www.betapolitique.fr/Les-inegalites-en-France-Retour-51698.html

Adrien Rozès, sur les inégalités.  http://www.acturevue.com