La Borne. La dette, un air de pipeau rythmé sur du bidon ? | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

La dette, un air de pipeau rythmé sur du bidon ?

Les journalistes et les Diafoirus de l'économie affirment doctement que le dogme de l'économie libérale, la loi du marché, la dette, sont des vérités universelles. Comme si c'était la même chose que la loi de la pesanteur, les lois de la matière ou celles de l'électromagnétique, qui sont des sciences exactes, elles ! Mais la "science économique" dont les gouvernants se réclament depuis les années soixante dix ne serait-elle qu'un baratin de camelot de foire pour nous faire avaler la pilule. Gilblog a déniché quatre exemples intéressants. Voyons un peu.

Dette-illustration

> Mon premier est un exemple historique. On a prétendu que l'Euro était une idée nouvelle, une chance qui apporterait la stabilité et la prospérité, chacun réalise aujourd'hui que c'est faux. Mais saviez vous qu'en réalité la monnaie unique n'est pas la nouveauté géniale que l'on veut nous faire croire. C'est un vieux machin plein de poussière et de toiles d'araignées, une convention monétaire qui date de plus d'un siècle et qui a fonctionné environ soixante ans en Europe. Je vous raconte : en 1865 pour faciliter le commerce, handicapé par la disparité des monnaies, la France, la Belgique, le Luxembourg l'Italie et la Grèce décident de les unifier. Les pièces seront de même poids et de même valeur faciale, qu'elles soient des Francs, des Lires ou des Drachmes. Une pièce de vingt Francs or émise par la France possède la même valeur que son équivalent en Grèce ou en Belgique. Chaque pays conserve le nom de sa monnaie nationale, mais c'est une monnaie unique qui est instituée. Autre similitude avec l'euro, les pays membres de l'Union Latine pratiquent une politique de monnaie forte en s'interdisant de mettre en circulation plus d'un certain montant de monnaie. Les années fastes ou difficiles passent, la guerre passe aussi, et la monnaie de l'union latine s'éteint en 1927. D'autres conventions monétaires destinées à faire le bonheur de nos grands parents et de nos parents, vont se succéder les unes aux autres. Ces conventions, heureuses ou malheureuses (comme celle qui a fait abandonner l'or pour le dollar), font une longue et intéressante histoire.

Tout ça pour dire, chères gilblogueuses et chers gilblogueurs que l'histoire se répète en bégayant, et que les innovations de la "science économique" avec ses "lois universelles" sont tout bonnement la copie d'anciennes recettes. 

> Mon deuxième est un exemple pris dans le journal. Les chefs d'état et les politiciens assistés de leurs grands vizirs "experts" en économie nous ont vanté l'Europe, puis la mondialisation, avec des prédictions : l'Europe devait faire baisser le chômage, nous mettre à l'abri de la spéculation financière, nous rendre plus compétitifs, etc. On se rend compte aujourd'hui que c'était un boniment ! Échec complet ! Aucun des objectifs visés n'a été atteint, au contraire, le chômage et la dette (devenue premier poste de dépenses de l'état et presque exclusivement constituée d’intérêts bancaires) augmentent constamment depuis trente cinq ans, et l'État est maintenant au bord de la ruine. La science économique fait pschitt ! Mais si l'on en croit ces messieurs les chefs d'orchestre de la pensée unique, et si on les laisse faire, il nous faudra tout de même accepter de nouveaux sacrifices. 

Témoignage médiatique et néanmoins local. Dans Le Berry du 20 novembre, un jeune journaliste plein d'avenir (et de perspectives d'avancement) du nom de Franck Simon, joint sa voix au concert et s'essaye au discours à la mode. Selon lui, la campagne présidentielle est l'occasion de rompre avec les "promesses d'un toujours plus et d'une vie meilleure exempte d'efforts et de contraintes", et de "de sonder les français afin de savoir s'ils sont capables de supporter une vérité faite de rigueur et de plafonnement des espérances". Et plus loin "Cesser enfin de vivre au dessus de ses moyens tel est le credo du gouvernement comme clé d'une croissance économique qui fait défaut. Le message est clair." C'est clair en effet : dans ce pays où vivent en marge, des millions de chômeurs, de personnes démunies, précaires, dans le besoin, à la rue, mal logées, manquant de nourriture en qualité et en quantité, le discours de Franck Simon-Diafoirus va faire recette. Et les ventes du Berry Républicain vont s'envoler dans le Cher, dans les lotissements, les HLM, à la Chancellerie et aux Gibjoncs ! 

Dans Libération du 22 novembre l'économiste Thomas Piketty (professeur à l'École d'économie de Paris et à l'École des hautes études en sciences sociales), fait un constat qui conduit à une conclusion opposée. "Aujourd’hui, l’Europe est moins endettée que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon et pourtant c’est elle qui connaît une crise de la dette souveraine. La France se retrouve ainsi à payer un taux d’intérêt de près de 4%, peut-être 5%, 6% ou même davantage dans les mois qui viennent, alors que ces trois pays empruntent à tout juste 2%. Avec une dette inférieure à celle des Britanniques, nous allons nous retrouver à payer une masse d’intérêts de la dette bien supérieure… Et Thomas Piketty ajoute : "Le 27 octobre, on est allé jusqu’à demander à la Chine et au Brésil de nous prêter de l’argent pour nous aider à sortir de la crise de la zone euro… Ce pathétique appel à l’aide restera sans doute comme le sommet de l’incompétence économique et de l’impuissance politique du quinquennat Sarkozy".

Pourtant l'Europe est la zone économique la plus riche du monde, elle a parfaitement les moyens de résoudre les problèmes de ses finances publiques. Voici des chiffres : le Produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne dépasse les 12 000 milliards d’euros, il est de 15 000 milliards de dollars pour les USA, il est seulement de 4 000 milliards pour la Chine. Les ménages de l’Union européenne possèdent un patrimoine total de plus de 50 000 milliards d’euros (dont plus de 25 000 milliards d’actifs financiers). C'est cinq fois plus que la totalité des dettes souveraines européennes (10 000 milliards), et vingt fois plus que les réserves chinoises (2 500 milliards d’euros).

> Mon troisième est un exemple qui est une question. Puisque les gouvernements et les grands vizirs de l'Europe disposent de la "science économique" et qu'ils font ce qu'ils veulent depuis quarante ans ans, comment expliquent-ils qu'ils ont conduit le pays à la faillite ? 

Ou bien ils sont d'une rare incompétence, ou ils nous ont menés en bateau depuis tout ce temps, et le résultat auquel nous arrivons aujourd'hui n'est que la conséquence des décisions qu'ils ont prises. A voir la courbe de la dette qui n'a pas cessé de monter depuis 1974 pour atteindre le montant de 1600 milliards, on comprend pourquoi les caisses de l'État sont vides. Et si elles sont vides, ça n’est pas parce que l’État  dépense trop, mais au contraire parce que les recettes (les rentrées fiscales) sont insuffisantes. En dix ans de gestion de la France selon le dogme libéral, plusieurs centaines de milliards d’euros de niches fiscales, et d’exonérations de charges sociales ont été attribués aux grandes fortunes. En récupérer seulement la moitié suffirait pour qu’il n’y ait plus de dette.

> Mon quatrième est un exemple qu'on peut comprendre sans calculette. Bon, la France a besoin d’argent, l’État va donc en emprunter sur le marché des obligations. Par exemple, le Trésor va émettre un certain nombre d’obligations d'une valeur unitaire de cent mille euros, l'échéance sera d'un an, et le taux d’intérêt sera de 4% ou plus (souvenez vous de ça pour briller en société : on dit que l’Etat émet de la dette). Les acheteurs (les créanciers) sont divers et variés : banques privées, investisseurs milliardaires, voire banque centrale de Chine... Quand une banque achète une obligation, elle prête cent mille euros au Trésor français. Un an s'écoule et la banque prêteuse est remboursée de la somme et perçoit en plus des intérêts de 4%, soit quatre mille euros. Ainsi, quand le Trésor français emprunte cent mille euros, il doit rembourser cent quatre mille euros un an plus tard. Le taux d’intérêt dépend de la notation donnée au pays émetteur de l’obligation par une agence de notation financière (les fameux AAAA, qui n'ont rien à voir avec les andouillettes).

Le principe est simple à comprendre, mais la raison pour laquelle cette convention abusive a remplacé un système où le prêt était gratuit et se faisait auprès de la Banque de France, ne nous a jamais été expliquée (et surtout pas par Franck Simon), pourtant c’est nous qui payons les intérêts de la dette ! Eh bien, c'est à cause de l'article 123 du traité de Lisbonne qui dit : "Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées 'banques centrales nationales', d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales des instruments de leur dette est également interdite." Résultat : depuis 2007 les états signataires du traité s’interdisent de se financer directement à taux zéro auprès de leur banque centrale ou de la Banque centrale européenne (BCE), comme cela se faisait avant. Ils sont obligés de s’adresser aux banques privées qui pratiquent les taux qui leur plaisent (7 % pour la Grèce !), tout en empruntant elles mêmes à un taux quasi nul auprès de la BCE. L'Europe, la zone économique la plus riche du monde emprunte désormais aux banques privées et à prix d'or. Certains appellent cette convention une magouille, quel mot vulgaire ! (À propos, les agences de notation ça existait, avant tout ça ???).

Et pendant qu'on nous inflige les maigres salaires et les revenus en baisse au nom de la lutte contre l'inflation, les banques empochent les intérêts des emprunts. Et alors, c'est pas de l'inflation ça ? Et les hausses de l'immobilier, celles des actifs financiers, actions, placements, produits financiers, c'est pas de l'inflation ? Ah non, disent les banques, l'air innocent et la bouche en coeur ! D'ailleurs, pour plus de commodité les chiffres de l'augmentation de la masse monétaire ne sont plus publiés depuis mars 2006 !

Bref, cette situation est la même dans de nombreux pays occidentaux et dure en France depuis 1973 (grâce aux duettistes Giscard et Pompidou, pidou pidou...). Il s’agit d’un abus énorme imposé aux peuples, certains le nomment même "coup d'état" (encore un mot vulgaire) !

> On racontait autrefois des histoires de loups pour faire peur aux enfants et les rendre sages et obéissants. Les gouvernements assistés des médiacrates et des Diafoirus de service en font autant en nous annonçant que le ciel nous tombera sur la tête ou que la terre se fendra sous nos pieds si l'euro ne fonctionne plus, ou si les marchés ne marchent plus... Grâce à ces exemples, vous l'avez compris (si vous ne le pensiez déjà), l'histoire de la dette est bidon.

> Vous en saurez plus sur le mécanisme de la dette en vous rendant à la causerie débat organisée par le Café repaire, avec Ana Sailland, qui depuis plusieurs mois travaille la question avec un groupe d'indignés actifs à Annecy. Notez la date : jeudi 15 décembre au café le Guet-apens à Pigny.

D'autres infos sur le blog :  http://caferepaireberrichon.blogspot.com/

> Un site instructif à consulter : "la dette.fr"    http://www.ladette2012.fr/