Maisons de la Presse, une série de fermetures en forme de série noire ? Depuis un an dans le Cher, la maison de la presse de Sancerre a fermé, la maison de la presse de Bourges a fermé, la maison de la presse de Baugy a fermé, la maison de la presse de Saint-Florent-sur-Cher a fermé, la maison de la presse de Mehun sur Yèvre a fermé. Et celle d'Henrichemont aura fermé le 1er septembre (ce qui s'ajoute aux trois commerces de vêtements, à l'hôtel restaurant et aux cafés qui ont baissé leurs rideaux) !
Les repreneurs des commerces de presse ne se bousculent pas ! En effet les gens attirés par ce métier sont de moins en moins nombreux, il faut ouvrir sept jours sur sept et faire souvent plus de cinquante heures hebdomadaires sans compter le travail de réception et de renvoi des journaux. Et le revenu mensuel n'est pas fameux quand on retire les charges et loyers. La part du marchand de journaux est en moyenne de 15 % du prix de vente, ce qui sur un quotidien à un ou deux euros ne fait pas beaucoup à la fin du mois.
Quelles sont les causes de cette situation ? Il y a bien sûr le prix élevé des journaux et magazines, la concurrence de la télévision comme source prioritaire d'information d'un large public, l'élargissement de la diffusion aux super et hyper marchés et les journaux gratuits. Le facteur qui pèse le plus lourd est la baisse générale des ventes. D'après l'OJD (Office de justification de la diffusion - l'organisme qui certifie la diffusion de la presse), les résultats pour 2011 sont mauvais. Les ventes de la presse quotidienne ont encore baissé de 2,04% (moins 1,36% pour la presse nationale et moins 2,28% pour la presse régionale). La presse magazine a chuté de 3,11% en 2011, et aucun secteur de presse n'est épargné, les journaux sportifs baissent de 7,59%, les titres pour adolescents de 4,65%. D'autres reculs importants concernent la presse "people" et la presse économique qui enregistrent moins 4,57%. Comme on peut facilement l'imaginer, la diminution du nombre de marchands ne fait qu'aggraver les choses...
Alors, le marchand de journaux doit se diversifier et transforme sa boutique en bazar ; il vend des livres, de la papeterie, des billets de loterie, des timbres (1 % de ristourne, bravo La Poste !), des recharges téléphoniques, des cadeaux, des cartes postales, des livres, des souvenirs, etc.
Le journal La Provence du 10 juillet cite le cas de Catherine Pietralunga qui a repris il y a deux ans le kiosque à journaux de la place Félix-Baret à Marseille. "Deux ans de galère", soupire-t-elle". Souci de bien faire son métier, "vraie relation avec la clientèle", en deux ans, elle a triplé le chiffre d'affaires du kiosque. "Mais, à la rentrée, si rien ne change, je tire le rideau" dit-elle. Depuis mai, elle n'a pas dégagé de salaire ; en moyenne elle gagne 1 500 € par mois pour six jours et demi d'ouverture et treize heures par jour passés, debout, derrière sa caisse. Elle dénonce aussi le fonctionnement de la distribution comme un étau qui étouffe les diffuseurs. Car les marchands n'ont pas la maîtrise de la marchandise qu'ils exposent dans leurs magasins ou leurs kiosques, ce sont les éditeurs et Prestalis (le distributeur national, filiale de Hachette), qui en fixent les quantités.
L'an dernier, 712 points de vente de journaux ont fermé en France, il y en avait 29.291 en 2010, et seulement 28.579 en 2011. Cette crise s'aggrave depuis plusieurs années : selon le Conseil supérieur des messageries de presse il y avait 30.000 points de vente au début des années 2000, et dans les années 80 on en dénombrait 40 000...
Vendre des journaux est quasiment un service public qui nécessiterait une reconnaissance des pouvoirs publics et un encadrement du marché. Cela ne rendrait pas les marchands de journaux millionnaires, mais permettrait de rendre le métier plus attractif et consoliderait la diffusion du savoir et de l'information. Les marchands de journaux réclament une meilleure rémunération et le pouvoir de décision sur le choix des titres en fonction de leur clientèle. Ils comptent beaucoup sur la réforme de l'assortiment validée par la toute nouvelle Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), qui doit entrer en vigueur cet automne.
En revanche, les collectivités, qui peuvent aussi agir via le droit de préemption, ne semblent pas avoir pris la mesure de l'enjeu, si l'on en croit le site des collectivité territoriales Localtis.info... Selon la loi du 2 août 2005 en faveur des PME (dite loi Dutreil), un conseil municipal peut définir un "périmètre de sauvegarde du commerce de proximité" au sein duquel tout vendeur de fonds de commerce doit faire une déclaration préalable à la mairie. La commune dispose de deux mois pour préempter et acquérir le fonds de commerce et doit dans un délai d'un an rétrocéder le fonds ou le bail à un professionnel. Le problème est que dans la situation de crise économique actuelle les élus hésitent devant les risques à utiliser ce droit. "Ils auraient une marge de manœuvre s'ils décidaient d'utiliser la préemption mais cela leur fait peur car ils doivent retrouver rapidement un repreneur, donc ils ne s'en servent pas", explique Gérard Proust (Président de l'Union nationale des diffuseurs de presse - UNDP), qui a entamé des discussions avec l'Assemblée française des chambres de commerce et d'industrie sur le sujet, et doit prochainement rencontrer l'Association des maires de France (AMF).
Bref, cette situation est mauvaise pour l'information du citoyen, mauvais pour le commerce local (les maisons de la presse attirent les chalands vers les bourgs), c'est mauvais pour la presse régionale, c'est mauvais pour notre vie quotidienne à nous autres ruraux... Où faudra-t-il nous rendre et à combien de kilomètres pour trouver nos journaux, désormais ? Et puis c'est bien triste, on l'aimait bien notre maison de la presse avec ses dames sympathiques, serviables et souriantes.
Des perceptions ferment, des bureaux de la Poste aussi, des maisons de la presse... Quelle sera la prochaine étape de la dégradation des conditions de vie dans nos campagnes ?
> Sources, tapez Crise des marchands de journaux dans Google et Localtis.info . Et merci à Michel Balland qui m'a alerté sur la disparition des maisons de la presse dans le Cher.