Jean-Baptiste Chardon, chaudronnier à Vierzon, capitaine et communard.

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Encore un citoyen à la vie pas banale et la forte personnalité. De l’apprentissage de la chaudronnerie à Vierzon au siège de Paris pendant la guerre de 1870, de la Commune à l’exil en passant par une évasion romanesque, de l’Égypte aux Caraïbes, l’histoire de Jean-Baptiste Chardon ne manque pas de rebondissements.

Jean-Baptiste Chardon commence sa vie professionnelle à Vierzon comme  apprenti chaudronnier chez son oncle Lecomte, ami de Félix Pyat. Né le 19 juillet 1839 à Souvigny (Allier), Jean-Baptiste est le fils de Roch Chardon et Marguerite Lecomte. En avril 1862, il entre aux ateliers du chemin de fer d’Orléans, gare d’Ivry. Le 14 mai 1866, il épouse Marie Voulu, lingère, mariage enregistré à la mairie de Vierzon-villages. 

C’est une forte personnalité, il a à peine trente et un ans le 1er mars 1870, quand il est révoqué de la Compagnie d’Orléans “pour absences prolongées”; pire, il manifeste “les idées politiques les plus révolutionnaires”, indiquent les rapports de police, qui ajoutent qu’il est “ivrogne, joueur et débauché”. La même année, il est condamné et emprisonné plusieurs fois pour “propos tenus en réunions publiques” ou “excitation à la haine du gouvernement”.

Mais les événements s’enchaînent : défaite de Sedan, proclamation de la République le 4 septembre et déchéance de Napoléon III. Sous le gouvernement de Défense nationale et pendant le premier siège de Paris par l’armée prussienne (septembre 1870-mars 1871), Chardon est élu capitaine en second à la 7e compagnie du 133e bataillon de la Garde nationale. Lors de la journée populaire du 31 octobre 1870, il tente d’entraîner son bataillon à marcher sur l’Hôtel de Ville. Il est un des fondateurs du Club démocrate socialiste du treizième arrondissement qui adhère à l'Association internationale des travailleurs en novembre 1870. Blanquiste, il est un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer le gouvernement du 4 septembre qui a failli à sa mission de défense nationale.

Élu le 26 mars membre de la Commune dans le treizième arrondissement, il fait partie de la commission de la Guerre qu’il quitte le 5 avril pour passer à la Sûreté générale. Aide de camp du général Duval, il lui succède au commandement militaire de la préfecture de police, puis il est nommé membre de la cour martiale jusqu’au 12 mai 1871.

Dans “Mes cahiers rouges”, Maxime Vuillaume en fait le portrait : ”Chardon a très grand air sous l’uniforme. Grand, droit, la carrure imposante, la moustache blonde barrant la face pleine et rougeaude, les yeux bleus à fleur de tête, il porte à merveille - il a été soldat - la tunique à revers rouges et à boutons dorés. À cheval, il est magnifique, quand, l’écharpe rouge de membre de la Commune en sautoir, les glands d’or battant sur la garde du sabre, les bottes à l’écuyère étincelant au soleil, le képi aux cinq galons d’or sur l’oreille, il passe sur le boulevard Saint-Michel, suivi, à distance, de son ordonnance”.

Après la Commune, les versaillais le condamnent, par contumace à la peine de mort (22e conseil de guerre du 19 juillet 1872-dossier 247).

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Chardon franchit la frontière Suisse avec la complicité du mécanicien et du chauffeur du train, d’anciens camarades des ateliers du chemin de fer d’Orléans. Maxime Vuillaume raconte : “Les braves gens l’ont enfermé (oui enfermé) dans le charbon du tender. Ils avaient aménagé dans le tas de houille, une cachette, une vraie cellule où le fugitif s’était enfermé jusquà Bellegarde. À Bellegarde, arrêt du train, visite des passeports. Mon Chardon était bien tranquille. Le train remis en marche, les amis l’ont délivré. Il était si joyeux de mettre le pied sur le pavé de Genève qu’il n’a  même pas pris la peine de se donner un coup de brosse. On aurait dit un mineur sortant de son puits.

À Genève, il appartient à la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste créée le 8 septembre 1871 par des communards exilés. Une société genevoise de construction remarque ses talents professionnels et l’envoie en Égypte, puis à La Havane et à Haïti, installer des machines à glace. À Port-au-Prince, il devient restaurateur et fait fortune.

Jean-Baptiste Chardon revient en France. Le 1er janvier 1886, il perd Marie Voulu, épousée en première noce. Le 14 mai 1898 il se marie avec Marie-Joséphine Grémy. Il meurt peu après à son domicile de la route de Paris, à Vierzon-villages, le 24 novembre 1898 à l’âge de 59 ans, “estimé et aimé de tous”. Il est inhumé dans la concession Voulu, comme Armand Bazille.  Ironie, après une vie tumultueuse, son acte de décès mentionne comme profession : rentier. 

“Il avait une sœur religieuse. On m’a dit, écrit Maxime Vuillaume - mais je ne saurais l’affirmer - que, n’ayant laissé aucune instruction à ses proches, l’ancien membre de la Commune [...] fut enterré à l’église”.


> Sources : > Sources : Archives départementales du Cher. Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune de Paris. “Mes cahiers rouges” de Maxime Vuillaume. Jules Clère, Les hommes de la Commune. Dictionnaire Maitron (Préfecture de Police de Paris, listes des contumaces).

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