Crise de la dette. Les français vont-ils s'indigner ?

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En 1957 Pierre Mendès-France incarnait Cassandre et, dans un discours prophétique à la tribune de l'Assemblée nationale, annonçait le péril qui nous frappe aujourd'hui (mais déjà en 1957 on n'écoutait pas les Cassandre).  "Le projet de marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XXème siècle selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot, nationale et internationale." 

Eh bien nous y sommes, et Mendès-France avait raison.

Mardi 9 août Nicolas Dupont-Aignan écrit sur son blog un article intitulé "Les vraies causes de la crise de la dette", que Mendès-France aurait peut-être approuvé. Dupont-Aignant, qui fut un des membres des Young Leaders de la French American Foundation (comme tant de cadres de l'UMP,  du PS et de prétendus "experts"), a depuis ce temps changé son fusil d'épaule et s'oppose désormais à la marchandisation de la planète (appelée mondialisation en langue de bois). On aime ou on n'aime pas le bonhomme, mais son article est bien envoyé. En voici de larges extraits.

Pour Dupont-Aignan, cette crise financière et économique est destinée à "culpabiliser les peuples et leur faire croire que ces déficits et cette dette s’expliquent par un excès de dépenses, une mauvaise gestion et une politique sociale trop généreuse." Et il poursuit, " C’est un véritable mensonge qu’il faut dénoncer en expliquant que cette crise de la dette a d’autres causes bien plus profondes : les états développés sont avant tout confrontés aujourd’hui à un manque de recettes budgétaires et sociales lié à une mondialisation qui nivelle tout par le bas.

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Plutôt que de se polariser sur les déficits budgétaires, on ferait mieux d’analyser les déficits extérieurs qui révèlent la fuite des emplois vers les pays émergents, et notamment la Chine. A force de délocaliser dans une course sans fin au moins disant social, fiscal et environnemental, les Etats-Unis, mais aussi les pays européens, se retrouvent avec moins d’emplois, moins de ressources budgétaires et moins de consommateurs. Pendant dix ans, ils ont masqué cette fuite par l’endettement privé ou public.

Dupont-Aignan dénonce au passage "la politique suicidaire de l’euro cher qui a asphyxié un peu plus nos entreprises", puis il poursuit, "Comment croire que la disparition dans notre pays, en 10 ans, d’un million d’emplois industriels, n’ait pas de conséquences sur l’équilibre de nos finances publiques et sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens ?

A cela s’est ajoutée encore la politique de concurrence fiscale entre états, exonérant les plus riches et les multinationales de tout effort de solidarité et un secteur bancaire et financier fou qui, au lieu d’irriguer l’économie réelle, la rackette au profit d’une petite minorité.

On comprend, dès lors, pourquoi aujourd’hui, la plupart des états européens et les Etats-Unis sont face au mur de la dette. Faire croire que c’est par une réduction continue des dépenses publiques qu’on arrivera à s’en sortir est politiquement criminel. Cela signifierait une régression sociale sans précédent, injuste et de surcroit inefficace économiquement.

Puis Nicolas Dupont-Aignan appelle à "s’attaquer aux causes profondes de la dette et à renforcer la compétitivité de la France. Certes, il faut bien gérer les dépenses et éviter les gaspillages, mais il faut surtout se donner les moyens de relocaliser en France le maximum d’emplois. La sortie de l’euro et le passage à la monnaie commune, le protectionnisme sélectif, la mise au pas du secteur bancaire en séparant les banques de détail et les banques d’investissement, l’abrogation de la loi de 1973 pour pouvoir financer sans payer d’intérêts par la Banque de France les investissements publics d’avenir, voilà les mesures clés qui permettraient de redresser notre pays et de retrouver un enchainement vertueux. Un effort oui mais au service de notre modèle social et républicain." Et Dupont-Aignan conclut, de façon un peu classique, en appelant à voter autrement en 2012.

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Il faut bien dire que Nicolas Sarkozy a une responsabilité dans ce système qui ruine la France et nous appauvrit, observent de nombreux commentateurs. Outre ses médiocres compétences en économie (il voulait introduire les "subprimes" en France !), il s’est révélé comme le champion de la cinquième République en creusement de la dette publique. Rappelez-vous qu’il a été ministre du Budget sous Balladur et ministre des Finances sous Villepin avant de devenir Président. Trois postes où il a personnellement élaboré les Lois de Finances. Et les chiffres sont accablants pour lui : ils montrent que les deux envolées les plus spectaculaires l’ont été lorsqu’il était responsable du Budget et depuis qu’il est à l’Elysée. Pour donner un peu de piment à tout ça, sachez que  le même Sarkozy a promu Marc Ladreit de Lacharrière, le patron de l'agence de notation Fitch Ratings, à l’ordre national de la Légion d’honneur par décret du 31 décembre 2010.

Sur son blog, Caleb Irri conclut un article sur la "crise de la dette"  en quelques mots bien sentis. "Pourquoi ne pas faire payer les riches ? Pourquoi ne pas supprimer les paradis fiscaux, interdire la spéculation et taxer les revenus du capital, rendre transparentes les chambres de compensation, interdire les liens incestueux entre le pouvoir politique et le pouvoir financier… ? Arrêtons-là, puisque nous n’allons pas dans la bonne direction, et puisqu’il faudra bien en changer de toutes façons. Refusons de payer encore, car nous sommes, nous le peuple, les seuls véritables propriétaires de notre État. Et nous ne sommes pas à vendre".

Le peuple, seul véritable propriétaire de l'État, n'est pas à vendre. Belle formule que les Islandais ont mise en pratique (en refusant de payer la dette des banques), et qu'il faudrait se répéter chaque matin devant son bol de café....


> Je vous recommande aussi, sur YouTube, la video de l'interview de Jean-Luc Mélenchon sur France2 (encore un qui a du punch et qui ne parle pas la langue de bois ! ) : http://www.youtube.com/watch?v=fnMfNATth0Q

> Sources : 

http://blog.nicolasdupontaignan.fr/post/Les-vraies-causes-de-la-crise-de-la-dette

Caleb Irri.  http://calebirri.unblog.fr/