La Borne. Berlaudiot et le sens interdit. | gilblog-archives. | Jean Pierre Gilbert >

Berlaudiot et le sens interdit.

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Devant l’augmentation du trafic routier dans la commune, le maire de La Charnivolle, Paul-Émile Grosbois, a fait placer des ralentisseurs, des panneaux de limitation de vitesse, des panneaux de sens unique et de sens interdit.
Y en a partout dans le village, pu qu’ça va, pu qu’c’est pire. Y voulait même un rond point aux quat’ routes mais la Dédéeu al’ a pas voulu.
Enfin, comme on dit cheu nous : y en a jamais assez si n’y en a trop….

Un jour, Berlaudiot prenant un raccourci pour rentrer chez lui, passe par la route du cimetière. Il entend un vigoureux coup de sifflet : c’est Jean-Paul Siguret le gendarme de La Charnivolle (dit queue de buis), qui l’arrête et lui intime l’ordre de descendre de sa mobylette.
Ce gars là, il est sec comme une bourde, alors Berlaudiot prend un air niaisaud. 

Escuse-moi, dit-il, j’avains pas vu l’panneau d’sens interdit. Y l’tait pas là la s’main’ dernière.

C'est bon, répond le gendarme, heureusement qu’on s’connaît. J’vais pas t’verbaliser c’te fois là, mais, imagine que tout le monde en fasse autant ! 

Si tout l’monde y f’sait comme moué, répond Berlaudiot, y z'auraient pu qu’à mett’ yeu panneaux dans l’aut' sens !

Ah, toué t’es un malin ! Mais t’as pas fait que ça, Berlaudiot ! T’as pas respecté la limitation de vitesse en agglomération, tes pneus y sont lisses, ton phare il a pas d’ampoule, ta selle al’ est défoncée, ta mobylette a fume com’ pas possib’. Et j’te rappelle le plus beau : t’as pas respecté le sens interdit ! 

Mais j’te dis que j’l'avais pas vu, ce panneau, gémit Berlaudiot 

Bin tiens donc…. répond le gendarme, et en plus, tu m’dis avoir une vision défectueuse, non corrigée par le port de verres adéquats, article 224 du code de la route ! 

Non, non, pas du tout. J’vois bien et j’on pas b’soin d’berniques, proteste Berlaudiot 

J’m’en vas vérifier ça, dit Siguret. Le gendarme recule et présente une feuille comme celle des ophtalmologistes. Lis-moi la première ligne, celle en grosses lettres. 

A, Z, E, R, T, Y, fait Berlaudiot.

Lis moi la ligne du d’sous, maint’nant.

S, D, F, G, Q, H,… 

Maint’nant, lis la troisième ligne, celle qu’est écrite en ch’tites lettres. 

Berlaudiot s’arreuille et déchiffre lentement le texte en petits caractères : 
Vendez moi des billets pour la tombola des orphelins de la gendarmerie. (À La Charnivolle, tout le monde sait que Siguret est plus coquin que beurdin, mais ce coup là, il l’avait pas encore fait !).

Côté vue, ça va, dit-il, et il ajoute : alors, des billets pour les orphelins, j’t’en mets combien ? 

Moué, me v’la orphelin depuis que mon p’pa il a défunté, dit Berlaudiot en enfourchant sa mobylette, il est là dans l’cimetière de La Charnivolle, alors tu peux les garder, tes billets  !