Les boues à la Cour administrative d'appel de Nantes. L'exposé de maître Liebaux. 

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Lors de l'audience de la Cour administrative d'appel de Nantes, Maître Delphine Liebaux, avocat de l'Association de veille environnementale du Cher à commenté les points essentiels du volumineux dossier produit par l'Avec. Pour les lecteurs qui n'auraient pas suivi tous les événements, ce texte est un document qui résume bien l'aspect juridique de l'affaire des boues du Siaap.

"Monsieur le président, vous permettrez quelques remarques, 

J’ai rarement vu une affaire aussi sensible, on est dans la même situation qui dure depuis des années, on est en présence de deux parties, une association l’AVEC qui se bat et le SIAAP qui refuse le débat, donc une partie adverse qui n’est pas présente, qui évite le débat. 

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Cette remarque étant faite, j’ai bien écouté les conclusions que madame le rapporteur public vient de faire, elles sont extrêmement exhaustives, mais je suis quand même étonnée (et je l’avais été à la lecture du jugement du Tribunal Administratif d’Orléans), que beaucoup d’éléments apportés dans le dossier par le SIAAP sont pris pour argent comptant.

Le SIAAP nous dit que les annexes cartographiques sont suffisantes (elles résultent de photos satellites ou aériennes, alors que la loi demande d'utiliser le cadastre), il ne démontre rien alors que l’association AVEC démontre sur ce point des erreurs substantielles ; pour le SIAAP, tous les éléments sont suffisants, il n’y a pas de raisonnement ni de démonstration, alors que l’AVEC apporte des éléments de preuve et fait le travail de démonstration.

Les conclusions du rapporteur public sont insatisfaisantes car éloignées des demandes de l’AVEC : Trois remarques monsieur le Président,

Un constat immédiat, je prends les éléments présentés par madame le rapporteur public : on avait un arrêté préfectoral initial avec quatorze mille tonnes par an, un arrêté modificatif à huit mille huit cents tonnes par an, aujourd’hui, on en est à sept mille six cents tonnes par an. ....Et cela ne choque personne qu’il ne faille pas refaire une étude préalable, puis un nouveau plan, une nouvelle autorisation ; on divise par deux les surfaces épandables alors que la circulaire de 2005 diffusée aux Préfets dit qu’à partir du moment où la surface épandable est modifiée de plus de 10%, il faut faire une nouvelle demande. 

Or on est ici dans une proportion du simple au double.

Or le jugement du Tribunal Administratif d’Orléans (et les conclusions de madame le rapporteur public disent la même chose), dit qu’il n’y a pas de modifications substantielles ; le Tribunal Administratif d’Orléans et le rapporteur public nient tout cela. 

Alors que s’il ya bien une constante dans ce dossier : c’est le décalage qui existe entre les remarques totalement théoriques faites par le SIAAP à Paris et les constatations matérielles sur le terrain relevées par l’AVEC.

Donc, remarque : je ne m’explique pas comment un tribunal et une cour peuvent considérer que cette modification n'est pas substantielle.

Une autre remarque, monsieur le président, qui va dans le même sens et qui montre qu’il est difficile d’exécuter le plan d’épandage : 

Un arrêté initial en 2009. Un arrêté modificatif en juin 2010. Un jugement fin 2010 qui a apporté des modifications. Et aujourd’hui, des conclusions qui précisent le jugement du Tribunal Administratif d’Orléans qui précise l’arrêté de 2010 qui précise l’arrêté de 2009.

Avec ces quatre strates de règlements, il devient objectivement difficile d’exécuter le plan, et on sait très bien aujourd’hui qu’en présence du SIAAP, c’est mission impossible.

C’est ingérable, il faut une nouvelle autorisation.

Une remarque enfin (et j’ai bien conscience que je fais un abus de madame le rapporteur public), donc une remarque qui parle de l’exécution et non de la légalité.

J’ai bien conscience, monsieur le président que là n’est pas l’objet du débat, que vous allez me dire que ces moyens sont inopérants parce qu’ils traitent de l’exécution et non de la légalité mais je ne peux pas venir ici devant vous, faire le déplacement à Nantes avec les représentants de l’AVEC, en tant que défendeure, je ne peux venir ici sans vous dire que ce qui est fait sur place par le SIAAP n’est ni fait ni à faire. 

Vous avez des plans prévisionnels d’épandage déposés depuis trois ans et qui depuis trois ans ne sont pas conformes à l’arrêté de 1998, (voir les plans 2011, 2012, 2013 et les erreurs qu'ils contiennent) il n’y a qu’à lire les chiffres d’un tableau à l’autre qui ne sont pas les mêmes pour voir le manque de sérieux de l’exécution de l’autorisation délivrée au SIAAP.

Madame le Rapporteur l’a relevé sans en tirer les conséquences : les analyses de sols doivent être faites au moment de l’épandage et non au printemps ; madame le Rapporteur pourrait dire au SIAAP qu’il faut reprendre l’arrêté.

Sans compter que manifestement il ya une pratique interdite par l’arrêté de 1998 mais que le SIAAP pratique : le chaulage des terres est fait, alors que l’arrêté de 1998 stipule le chaulage des boues. C’est pourquoi l’association AVEC a demandé a minima l’annulation de l’article 4.6 de l’arrêté parce que, sur les pH, excusez-moi, mais dans les conditions de l’espèce, très honnêtement le SIAAP fait très objectivement, n’importe quoi et passez-moi l’expression, comme si le SIAAP avait voulu nous couper l’herbe sous le pied.

Pardonnez-moi, mais au risque de me répéter, de toute façon ce que demande l’association aujourd’hui, c’est l’annulation totale des deux arrêtés préfectoraux en raison du manque total de sérieux dont a fait preuve le SIAAP au moment des études et au moment de l’exécution.

Mais, vous m’excuserez, faut-il le dire, le SIAAP n’est même pas capable de respecter le délai d’un mois, et là, c’est ubuesque, le préfet envoie le plan d’épandage à l’AVEC (il a quand même fallu saisir la Commission d'accès aux documents administratifs pour cela) les dates ne sont pas respectées.

On est encore une fois dans une situation complètement ubuesque, je sais que je suis hors sujet, que ce sont certes des éléments d’exécution, mais je ne peux pas venir ici devant vous aujourd’hui sans insister sur ces faits-là qui sont en contradiction avec les écrits du SIAAP, qui viennent confirmer que les études initiales du SIAAP sont totalement fantaisistes, écrites par un bureau d’études à Paris déconnecté de la réalité du terrain,  et qui n’avait peut-être pas toutes les données.

Je terminerai, monsieur le président, avec une dernière remarque, 

Vous pourriez me dire, c’est bien beau tout cela, je ne vois pas pourquoi je dois annuler totalement les deux arrêtés préfectoraux attaqués,

Mais je vais me déconnecter un peu des demandes de l’association telles que matérialisée par moi-même. 

J’ai envie de vous dire que dans le dossier, ce n’est pas l’AVEC, ce n’est pas moi qui parle de l’insuffisance de l’étude préalable : 

J’ai un avis extrêmement défavorable du commissaire-enquêteur, j’ai la Chambre d’agriculture du Cher qui aurait eu envie d’être consultée et qui donne un avis réservé sur les sols de Sologne (il est abusif de la part du SIAAP de dire que le ruissellement est négligeable).

J’ai aussi l’'Office national de l'eau et des milieux aquatiques qui dit que l’étude préalable n’a pas été prise en compte, de même que les rus intermittents.

J’ai envie de vous dire que tout cela, les conclusions du commissaire-enquêteur, ne sont même pas niées par le SIAAP qui dit qu’un travail administratif important a été fait en avril 2010, qu’il a pris attache avec la Direction départementale du territoire du Cher.

Or, la demande d’autorisation date de 2007, l’arrêté d’autorisation date de 2009, les modifications de 2010 ; le SIAAP reconnait lui-même qu’il a mis plus de trois ans avant de se plonger dans ce dossier-là, il a fait un travail abstrait à Paris (qui montre encore une fois que c’est ni fait ni à faire) et on constate aujourd’hui que l’exécution est complètement fantaisiste; les administrations en l’occurrence n’ont pas été consultées. 

Je veux bien croire que l’élément selon lequel des agriculteurs se sont désistés a fait baisser la quantité et la surface épandables mais encore une fois, on est en présence de proportions qui vont du simple au double… voir l'arrêté de 1998 qui parle de l’Étude préalable.

Sans oublier les références cadastrales : le SIAAP dit qu’il a pris les bonnes données - il ne devrait alors pas y avoir de contradiction, le Tribunal Administratif d’Orléans a dit à l’AVEC qu’elle n’a pas démontré que les références cadastrales n’ont pas évolué de 2007 à 2010 ! Le SIAAP dit qu’il a utilisé les références de 2010, les questions posées par le Tribunal Administratif d’Orléans ne sont pas les bonnes, les réponses ne sont pas les bonnes en tout cas.

Mais là n’est pas le débat, simplement en conclusion : 

Sur le principe de précaution, je sais pertinemment que le SIAAP épand dans d’autres départements ; je sais très bien qu’il y a une réglementation qui peut être effectivement être considérée comme proportionnée mais précisément, la proportionnalité doit être examinée avec les circonstances factuelles de chaque espèce. 

En l’espèce, au risque de me répéter, il faut observer les proportionnalités, on est sur des sols acides où il y a énormément de ruissellement, les sols sont déjà pollués aux nitrates, des captages sont fermés…

Dans l’appréciation de cette proportionnalité et pour la rendre ensuite applicable, il faut reprendre ces éléments de façon à ce qu’ils ne se retrouvent pas dans d’autres dossiers pour lesquels le SIAAP a pu obtenir des arrêtés d’autorisations dans d’autres départements.

Monsieur le Président, je m’excuse d’avoir été un petit peu longue mais encore une fois pour revenir dans ce dossier-là, passer de quatorze mille tonnes sur plus de cinq mille hectares, à la moitié, je pense qu’effectivement il y a eu un problème d’étude préalable et je ne pense pas que ce ne peut être que la faute des agriculteurs qui se sont désisté. 

Avec cette réduction de moitié, le préfet et le SIAAP doivent assumer leurs responsabilités et en tirer les conséquences, je  pense que le travail n’a pas été fait en 2007, qu’il faut reprendre ce dossier depuis le début". 

> À la fin de l'audience, le Président a annoncé que la Cour administrative d'appel prononcera sa décision le 27 décembre 2013.


> Un grand merci à Danielle et Patrick Desmoulières pour leur travail de transcription de ce document.

> Lire dans gilblog : Les boues à la Cour administrative de Nantes. >>> Lie

cn.

Boues. Épandages 2013 : encore un dossier plein de trous ! >>> Lien.

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