Quand l’Avenir bornois montait à Paris ! Une histoire d’Annick Talbot.

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Je tiens cette histoire vraie et tous ses détails, parenthèses et commentaires, d’Annick Talbot qui aime bien la dire devant un auditoire, et qui me l’a racontée spécialement pour les lectrices et lecteurs de gilblog. Si vous vous vous montrez bon public, il y en aura peut-être d’autres. On verra…

En ce temps là, il y avait déjà de nombreuses associations à La Borne, car on n’y fabriquait pas que de la poterie, on  s’activait aussi dans les associations.

Au début des années cinquante (car ce temps là désigne les années cinquante), une de ces associations, peut-être la plus fameuse localement, se nommait fièrement l’Avenir bornois. Elle était présidée par monsieur Martin, le boucher dont la boutique était au coin de la place Jean Gautier, le trésorier était Rosan Foucher, fermier, et parmi les membres on comptait le père Raboin qui tenait un des cafés du village (route d’Henrichemont) et faisait danser les bornois au son de son violon, et Hubert Pezard qui avalait quelques dizaines de kilomètres à vélo rien que pour se mettre en jambes. L’association ne se déplaçait jamais sans une superbe banderole blanche sur laquelle était inscrit en lettres d’or : Avenir bornois (on verra plus loin combien cette banderole a de l’importance).

Les trois principales activités de l’Avenir bornois étaient : l’organisation de la fête annuelle avec manège et bal parquet sur la place Jean Gautier, la sortie annuelle au Mont Saint Michel ou aux châteaux de la Loire, avec deux autocars (!) un pour les enfants des écoles et l’autre pour les adultes, et enfin le tir au cochon. Là, j’ouvre une parenthèse dit Annick Talbot : enfant, j’ai longtemps refusé d’aller à cette fête horrible à mes yeux, car je croyais qu’on y tirait au fusil sur de malheureux cochons vivants. En réalité, il s’agissait de tirer à la carabine sur des cibles de foire, et les vainqueurs remportaient comme prix, des quartiers de cochon ! 
Bref, laissons les cochons reposer en paix ; la guerre, l’occupation allemande et les privations étaient finies, avec l’Avenir bornois, on pouvait enfin s’amuser.

Et revenons à notre histoire avant d’en perdre le fil. Cette année là, la sortie annuelle de l’Avenir bornois avec deux autocars, avait Paris comme destination. Passons sur la visite de la capitale, l’hébergement de nuit en auberge de jeunesse, les participants qui se perdaient du côté de Pigalle, les retardataires qu’il fallait attendre (une fois, il y en a même une qui n’est rentrée au village que trois mois plus tard !). 

Nous voila au matin du retour avec rendez vous au rond-point des Champs Élysées. Le car des enfants est complet, ils sont tous à l’heure, contact, le moteur tourne, départ pour La Borne. Mais les passagers du deuxième autocar, les adultes, ne sont pas tous au rendez vous, il faut attendre les traînards….

Là bas, tout en haut de l’avenue des Champs Élysées, l’arc de triomphe semble contempler les visiteurs de l’Avenir bornois. Il ne fait pas que les contempler, il semble même les inviter !

Une proposition jaillit dans le groupe : si on allait déposer une gerbe au nom des bornois sur le tombeau du soldat inconnu ? Non ! Si ! Bonne idée ! Mauvaise idée ! Finalement les partisans de la bonne idée l’emportent et on achète une gerbe de fleurs pas loin du rond point.

Et voila le groupe marchant en bon ordre, portant sa gerbe de fleurs, banderole en tête (Avenir bornois en lettres d’or !), qui remonte l’avenue vers l’arc de triomphe…

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Arrivés là haut, quel étonnement, l’orchestre de la garde républicaine attend le groupe ! Nos bornois en perdent la voix. On fait approcher et se mettre en place les porteurs de la banderole. La musique retentit. On invite le détenteur de la gerbe à déposer son hommage à côté de la flamme du soldat inconnu. Re musique. On fait signer le livre d’or sur lequel le président de l’Avenir bornois écrit avec émotion : Martin, La Borne. Encore musique. Quelle belle cérémonie, quel beau souvenir à raconter au retour ! C’est fini, on se disperse.

Enfin, pas tout à fait, car un autre groupe arrive. Ce groupe vient de Suisse, de Berne exactement. Et comment se nomme-t-il ce groupe ? Il se nomme l’Avenir bernois !

Enfer et malédiction, on rattrape l’Avenir bornois, coupable d’usurpation d’identité. Emmenez les tous au poste ! Direction le commissariat de police de l’avenue des Ternes pour interrogatoires et dépositions avant poursuites.

Et là, coup de théâtre, le commissaire est une connaissance. C’est Anselme Pinson, qui a épousé une fille de La Borne, Yvette, dont les parents habitent La Borne d’en bas, route d’Henrichemont. Quand Anselme Pinson ne perquisitionne pas la maison du docteur Petiot pour y découvrir quelque cadavre, il tient la permanence au commissariat de l’avenue des Ternes. Voila la raison de sa présence et de son écoute pleine de compréhension, avant de bien rire du quiproquo. Il n’y aura pas de suites, tout le monde est relâché. Le groupe redescend les Champs Élysées.

Pendant ce temps, les retardataires ont eu le temps de se dégriser, de quitter Pigalle et de rejoindre l’autocar au rond point. La troupe étant complète, on ferme la portière, le car s’ébranle. On rentre à La Borne. Parions que l’épopée du dépôt de gerbe de l’Avenir bornois alimente les conversations du retour…

Et, conclut Annick Talbot,  la preuve que cette histoire est vraie, c’est qu’on peut toujours lire sur le livre d’or de l’arc de triomphe : Martin, La Borne…..on ne l’a pas effacé !

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