Paris 1871. Quand des berrichons signaient l’affiche rouge du 6 janvier.

2021 est l’année du 150e anniversaire de la Commune de Paris. De nombreux événements, des conférences, des spectacles, de nouveaux livres, marqueront cette célébration. Un peu partout en France, des municipalités, des associations (parmi lesquelles les Amies et amis de la Commune) préparent des initiatives. Gilblog y participera à sa manière et commence avec cette page sur l’affiche rouge.

6 janvier 1871, Édouard Vaillant (universitaire) et Jean-Baptiste Chardon (chaudronnier) tous deux nés à Vierzon, Salvador Daniel (musicien et musicologue né à Bourges), avec cent quarante républicains (dont vingt-neuf seront élus deux mois plus tard à la Commune) signent ”l’Affiche rouge”, un appel au peuple de Paris. Un des cinq rédacteurs du texte n’est autre que Édouard Vaillant (un autre est Jules Vallès). L’appel est lancé à la demande de la Délégation des Vingt arrondissements, nom provisoire du Comité central républicain des Vingt arrondissements de Paris.

Le texte dresse un tableau sévère de la situation à Paris en janvier 1871 et fait le constat de l’impuissance du gouvernement et de l’échec de l’armée face aux Prussiens. C’est aussi un appel passionné à la défense de la France, à l’insurrection, au remplacement de ce gouvernement par la Commune. 
Mais le Gouvernement du général Trochu reste en place et accuse les auteurs de l'affiche rouge de calomnie. Le 22 janvier, une tentative de soulèvement échoue et le 29, l'armistice franco-allemand est signé. Il faudra attendre le 18 mars 1871 pour que l'idée de Commune prenne forme…. 

Rappelons que le 4 septembre 1870, le peuple parisien apprenant la défaite de Sedan, se dirige spontanément vers la chambre où se réunit le corps législatif, envahit l’hémicycle, exige la destitution de l’empereur et l’instauration de la République. Puis la foule se rend à l’Hôtel de ville où Gambetta proclame la République. 
Les mois qui suivent sont le théâtre d’une activité bouillonnante où s’affrontent les forces politiques, royalistes et républicains, socialistes de diverses tendances… Le siège de Paris par les Prussiens, les bombardements, la disette, le froid, le retour de la liberté de parole, les débats dans la Garde Nationale, dans les clubs et dans les journaux, nourrissent l’effervescence. Le gouvernement provisoire est critiqué pour son inefficacité ou sa mollesse devant l’ennemi, il est même soupçonné de trahison….

L’appel imprimé dans l’Affiche rouge s’inscrit dans ce contexte. 

> Au peuple de Paris. 
Les Délégués des Vingt Arrondissements de Paris.

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Le gouvernement qui, le 4 septembre, s’est chargé de la défense nationale a-t-il rempli sa mission ? – Non ! 
Nous sommes 500 000 combattants et 200 000 Prussiens nous étreignent ! À qui la responsabilité, sinon à ceux qui nous gouvernent ? Ils n’ont pensé qu’à négocier au lieu de fondre des canons et de fabriquer des armes. 
Ils se sont refusés à la levée en masse.
Ils ont laissé en place les bonapartistes et mis en prison les républicains. 
Ils ne se sont décidés à agir enfin contre les Prussiens qu’après deux mois, au lendemain du 31 octobre. 
Par leur lenteur, leur indécision, leur inertie, ils nous ont conduits jusqu’au bord de l’abîme : ils n’ont su ni administrer ni combattre, alors qu’ils avaient sous la main toutes les ressources, les denrées et les hommes. 
Ils n’ont pas su comprendre que dans une ville assiégée, tout ce qui soutient la lutte pour sauver la patrie possède un droit égal à recevoir d’elle la subsistance; ils n’ont rien su prévoir: là où pouvait exister l’abondance, ils ont fait la misère; on meurt de froid, déjà presque de faim: les femmes souffrent, les enfants languissent et succombent. 
La direction militaire est plus déplorable encore: sorties sans but; luttes meurtrières sans résultats; insuccès répétés, qui pouvaient décourager les plus braves; Paris bombardé. Le gouvernement a donné sa mesure: il nous tue. Le salut de Paris exige une décision rapide. Le gouvernement ne répond que par la menace aux reproches de l’opinion. Il déclare qu’il maintiendra l’ORDRE, comme Bonaparte avant Sedan.
Si les hommes de l’Hôtel de Ville ont encore quelque patriotisme, leur devoir est de se retirer, de laisser le peuple de Paris prendre lui-même le soin de sa délivrance. La municipalité ou la Commune, de quelque nom qu’on appelle, est l’unique salut du peuple, son seul recours contre la mort. 
Toute adjonction, ou immixtion au pouvoir actuel ne serait qu’un replâtrage, perpétuant les mêmes errements, les mêmes désastres. Or la perpétuation de ce régime, c’est la capitulation, et Metz et Rouen nous apprennent que la capitulation n’est pas seulement encore et toujours la famine, mais la ruine et la honte. C’est l’armée et la Garde nationale transportées prisonnières en Allemagne, et défilant dans les villes sous les insultes de l’étranger; le commerce détruit, l’industrie morte, les contributions de guerre écrasant Paris: voilà ce que nous prépare l’impéritie ou la trahison. 
Le grand peuple de 89, qui détruit les Bastilles et renverse les trônes, attendra-t-il dans un désespoir inerte, que le froid et la famine aient glacé dans son cœur, dont l’ennemi compte les battements, sa dernière goutte de sang? – Non ! 
La population de Paris ne voudra jamais accepter ces misères et cette honte. Elle sait qu’il en est temps encore, que des mesures décisives permettront aux travailleurs de vivre, à tous de combattre. 
Réquisitionnement général – Rationnement gratuit – Attaque en masse. 
La politique, la stratégie, l’administration du 4 septembre, constituées de l’Empire, sont jugées. Place au peuple ! Place à la commune !

Les Délégués des Vingt arrondissements de Paris.

> Illustrations de haut en bas. L’affiche rouge (cliquez dessus pour l’agrandir). Édouard Vaillant. Jean-Baptiste Chardon. Un ouvrage de Francisco Salvador Daniel.

> Sources. Ma Commune de Paris par Michèle Audin. >>> Lien. 
Wikipedia. Affiche rouge. Proclamation de la 3e République. 
Bernard Noël,
Dictionnaire de la Commune, Éditions Flammarion. 
La Commune et les communards du Cher. Par JP Gilbert. Librairie La Poterne, 41  rue Moyenne Bourges, Cultura, centre culturel Leclerc à Vierzon, et dans les librairies du Cher.

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