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Encore les birettes ! 

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On ne se connaît sans doute pas, mais je sais où vous êtes puisque vous ne pouvez pas bouger de chez vous. Alors je me suis dit que nous pourrions voyager ensemble en imagination. À moins que, vous sentant un peu fiévreux, vous préfériez la compagnie d’un cachet de Doliprane, qu’un ministre (dont j’ai oublié le nom), nous a conseillé d'avaler en cas de symptômes. Il paraît que c’est un remède souverain contre la gripette…

Bref, trêve de préambules, pif paf pouf, venons en aux birettes ce sera le sujet d’aujourd’hui. Cette fois, nous élargirons le propos aux birettes en général, puisque dans une page précédente j’ai parlé des birettes de La Borne.

La birette est un loup-garou femelle, c’est à dire que c’est un lycanthrope (être humain transformé en loup, en langage savant). Elle existe dans le folklore du Berry, de la Sologne et des bords de la Loire, du Gâtinais, etc. Elle existe aussi sous d’autres noms dans d’autres provinces. C’est une créature fantastique, mi-humaine mi-animale ayant les jambes, les pieds et la tête d’une chèvre et le corps d’une femme selon des descriptions les plus répandues. Mais il y en a d’autres.

La birette devient lycanthrope en établissant un pacte ou en se laissant posséder par le Diable. Elle se change en loup ou en sanglier, après que le Démon lui en aie donné la peau. On peut aussi devenir birette si une autre birette vous griffe bien comme il faut, jusqu’au sang. Nombre de personnes, y compris des érudits, ont cru à leur existence pendant des siècles, et cette croyance dure parfois encore.
Pour clore cette introduction, sachez aussi que la lycanthropie est aujourd'hui scientifiquement reconnue comme symptôme d'une maladie mentale dans laquelle la personne se croit changée en loup. 

Les enfants ainés des birettes héritent de leur aptitude démoniaque à la métamorphose, même s'ils sont de bons chrétiens étrangers aux pratiques de leur mère. Les voila condamnés à se changer en birette à leur tour, qu'ils l'acceptent ou non, puis à transmettre cette tare à leur infortunée descendance ! 

La birette peut apparaître et disparaître à sa guise, et prendre la forme qui lui plaît. C’est pourquoi ceux qui prétendent en reconnaître une sont un peu vantards. Les nuits de pleine lune, elle fréquente les carroirs pour y faire des sabbats en l’honneur du diable. En dehors de ces nuits là, elle rejoint d’autres birettes pour d’autres sarabandes nocturnes dont elle choisit le thème selon son humeur (c’est dire combien la birette est imprévisible).

De là l'expression ”courir la birette”, qui désigne leur propension à attaquer le bétail et à effrayer les populations pendant la nuit. 

Selon certaines descriptions, la birette est de couleur blanche et ne se promène qu’une fois la lune levée; elle entre dans les fermes pour battre les chiens de garde, les chiens de berger les chiens de chasse et même les chiens de compagnie. Elle est invulnérable, résiste aux coups de fusil et renvoie d’un coup de patte la balle au tireur. Selon certains récits, on ne peut la tirer qu’avec des balles en argent bénies le jour de la Chandeleur (n’essayez pas le tir à la chevrotine, il est voué à l’échec).

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Dans d’autres histoires les birettes conservent les marques des blessures qui leur sont infligées sous leur forme animale, quand elles retrouvent leur forme humaine.

- Nos grands parents nous menaçaient de la birette avec un air ambigu lorsque nous voulions aller dans des endroits défendus, car des gens transformés en loup-garou parcouraient la campagne pour jeter des sorts (ou pire) sur les enfants intrépides. Oui, c’étaient encore les birettes !

Puis, sans doute par la faute de l’école laïque obligatoire et gratuite, du train à vapeur et du journal, qui apportèrent un peu de rationalisme dans nos campagnes, les birettes, les vraies, laissèrent peu à peu la place aux ”histoires de birettes”….

Dans les histoires de birettes, la birette consciencieuse choisissait les bosquets sombres, les fossés profonds, les chemins déserts, les friches écartées, elle savait se faire désirer. Tapie dans l'ombre, elle attendait le passage de celles ou ceux qu'elle voulait effrayer et qui s'enfuyaient éperdus, croyant avoir le diable à leurs trousses : car soudain, la birette surgissait en jetant un cri de chouette ou des hurlements, des braillements ou des beuglements …selon son talent.

Les birettes farceuses avaient remplacé les vraies birettes ! C’étaient de jeunes gars qui se mettaient un drap blanc ou une peau de chèvre sur le corps. Ils profitaient de l’hiver, saison où l'on allait faire la veillée dans les fermes, tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre. Après les veillées, ces garçons facétieux s’amusaient à apeurer les gens. Ils guettaient leur passage, puis cachés sous leur déguisement, sautaient devant eux sur le chemin en gesticulant, remuaient bruyamment des chaînes et poussaient les cris cités au paragraphe précédent.

Toutefois, ces plaisanteries n’étaient pas sans inconvénients, et il est arrivé que croyant faire peur aux filles ou à des poltrons, les plaisantins rencontraient des lurons vigoureux qui leur distribuaient des raclées de coups de trique. Ou encore des coups de fusil avec cartouches chargées de gros sel.
Dame, on savait rire finement dans nos villages…


> À la fin du seizième siècle, alors que les guerres de religion troublaient la contrée, s’est tenu à Sens-Beaujeu un procès en sorcellerie resté célèbre, celui du Carroir du Marloup (en français moderne, le carrefour du mauvais loup). Cette croisée de chemins près du village de Bué, aurait été le théâtre d‘un sabbat. À l’issue du procès, cinq hommes qui, selon les accusations d’un garçon de douze ans, auraient participé à cette réunion de sorciers, furent exécutés sur le lieu des faits dont ils étaient jugés coupables. Accusée avec eux, une femme se pendit pendant son emprisonnement. Au siècle dernier, en 1946, ce drame oublié fut changé en fête par l’abbé Joseph Barreau et le conteur Jean-Louis Boncœur. La première ”Fête des Birettes” était née, sa recette devait servir à réparer l’église. De nos jours la tradition se perpétue. Et la fête se tient toujours à l’endroit nommé le Creux de Marloup, chaque année le premier samedi d’août.


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